Le premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, est mort soudainement lundi soir. Sa disparition crée un vide dans la Corne de l'Afrique. Après avoir souffert de la famine dans les années 80, l'Éthiopie a connu une croissance économique effrénée qui lui a permis de devenir une puissance régionale indispensable en Somalie et au Soudan. L'unité du pays survivra-t-elle à son homme fort?

Le premier ministre éthiopien Meles Zenawi, au pouvoir depuis 1991 après avoir renversé la dictature communiste, a succombé à une infection subséquente à une longue maladie, à l'âge de 57 ans. Son bras droit, Hailemariam Desalegn, parviendra-t-il à maintenir la cohésion de la mosaïque ethnique du pays et le rôle stabilisateur régional de la puissante armée éthiopienne?

«Je vois une implication moins grande à l'étranger, pour se concentrer sur la contestation politique et la croissance économique en Éthiopie», explique David Shinn, politologue de l'Université George Washington, à Washington, qui a été ambassadeur à Addis Abeba entre 1996 et 1999. «La Somalie et l'Érythrée continueront à faire partie des priorités pour protéger les frontières. Mais au Soudan, par exemple, l'ancien président sud-africain Mbeki devra se passer de l'aide de Meles comme médiateur.»

L'Éthiopie de M. Meles était une anomalie en Afrique. «Son modèle était chinois», explique Andrew Grant, politologue de l'Université Queen's à Kingston qui couvre l'Afrique et s'est rendu dans la Corne de l'Afrique pour la dernière fois en 2009. «Il ne tolérait pas la dissidence, mais il s'assurait que tous les groupes du pays participaient au pouvoir et à la croissance économique. Je ne crois pas que Hailemariam soit faible, il était ministre des Affaires étrangères en plus d'être premier ministre adjoint. Mais il n'est pas dans la même classe que Meles, dont tous admiraient l'intelligence.»

Reprise de la guerre avec l'Érythrée?

Selon le Wall Street Journal, la croissance économique frisait 8,8% annuellement depuis 2000 et la famine a été enrayée au début du règne de M. Meles avec l'établissement d'une Bourse des produits agricoles. L'aide agricole et militaire américaine était de 1 milliardUS en 2010.

La guerre avec l'Érythrée, une région musulmane de ce pays majoritairement chrétien qui a fait sécession en 1993, pourrait-elle reprendre? «Je ne crois pas que l'Érythrée prendra ce risque, même si une bonne partie de l'armée éthiopienne combat les islamistes en Somalie, dit M. Grant. Elle pourrait cependant financer davantage des groupes armés en Éthiopie, tout comme les islamistes somaliens.» Ces derniers ont perdu cet été leur bastion de Baidoa, devant une offensive combinée de l'Éthiopie, de l'Union africaine et du Kenya.

Le nouveau premier ministre Hailemariam provient tout comme M. Meles d'un petit groupe ethnique, ce qui est un couteau à deux tranchants selon M. Shinn. «Il n'est pas menaçant, mais n'a pas de base politique forte. Il n'a même pas joué de rôle important dans l'armée, contrairement à Meles qui était dans la rébellion presque depuis le début. Mais j'estime que les institutions fortes qu'a bâties Meles vont garder le pays en paix.»