Les résultats définitifs ne seront pas connus avant février, mais le verdict est déjà clair: avec 80% des votes dépouillés, près de 99% des électeurs Sud-Soudanais se sont prononcés en faveur de la sécession de leur région d'avec le nord du Soudan. Les cartes devront être redessinées, le président Salva Kiir a gagné son pari. Portrait de cet homme qui se sépare rarement de son chapeau de cow-boy.

Le pays qui naîtra de la sécession du Sud-Soudan n'a pas encore officiellement de nom, mais il a un chapeau: celui de Salva Kiir. À la tête du Sud-Soudan depuis 2005, Salva Kiir est en train de réaliser son rêve de mener son pays à l'indépendance. Mais l'homme au chapeau de cow-boy pourrait ne pas vouloir goûter trop longtemps au pouvoir.

C'est en tout cas ce que croit Gordon Buay, qui a déjà combattu à ses côtés dans le Mouvement populaire pour la libération du Soudan (MPLS) dans les années 90. «Des gens dans son entourage m'ont confié qu'il pourrait quitter le pouvoir après l'indépendance», dit ce Soudanais d'origine, qui poursuit actuellement des études en droit à Ottawa. Militer et réaliser l'indépendance, c'est une chose. Diriger un pays pauvre et corrompu, répondre aux attentes immenses de sa population, c'en est une autre. «Les attentes seront tellement grandes... Il ne voudrait pas les décevoir.»

En attendant, Salva Kiir vient de remporter une autre victoire. Une victoire qui s'ajoute à la signature de l'accord de paix de 2005, qui a mis fin à la guerre civile et conféré certains pouvoirs au Sud, et à son élection démocratique à la tête du Sud-Soudan, l'an dernier.

Quelle vision?

Il menait déjà les destinées du Sud-Soudan depuis la mort de John Garang, dit «Dr John», à l'été 2005. Les comparaisons entre les deux hommes sont inévitables: si Salva Kiir semble plus ouvert au dialogue que son prédécesseur, il est cependant moins instruit. «Il n'a pas de vision, déplore Gordon Buay. Que compte-t-il faire pour l'économie? Pour l'éducation? On n'en sait rien.» M. Buay lui reproche aussi de ne pas s'attaquer assez vigoureusement à la corruption.

Il reste que Salva Kiir, ancien chef des rebelles du MPLS, a réussi à rassembler les 46 ethnies qui peuplent le Sud-Soudan autour du projet d'indépendance. Le scrutin, qui a commencé le 9 janvier et qui s'est terminé samedi, devrait mener le Sud-Soudan à l'indépendance le 9 juillet prochain, fin de la période intérimaire de six ans née de l'accord de paix.

Membre de l'ethnie dinka, la plus nombreuse dans la région, Salva Kiir serait au début de la soixantaine. Il aurait, selon M. Buay, trois femmes officielles -la polygamie est courante dans la région- et une quinzaine d'enfants.

Il porte son désormais célèbre chapeau de cow-boy depuis 1995. «C'est devenu sa marque de commerce!» dit M. Buay. «Depuis, beaucoup de Soudanais du Sud ont commencé à faire comme lui.» Gordon Buay aussi a son chapeau. «Il y a beaucoup de soleil en Afrique, il faut se protéger, et on découvre vite que le chapeau de cow-boy est parfait.»