La pression internationale s'est considérablement renforcée vendredi sur le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, sommé de quitter très rapidement le pouvoir au lendemain de violences meurtrières à Abidjan contre les partisans de son rival Alassane Ouattara.

De onze à une trentaine de personnes, selon diverses sources, ont été tuées jeudi et au moins 80 blessées, essentiellement lorsque des sympathisants de Ouattara ont tenté de marcher sur la télévision d'Etat, la RTI.

Nicolas Sarkozy, président de l'ex-puissance coloniale française - qui compte 15 000 ressortissants dans le pays -, a prévenu que M. Gbagbo devait partir «avant la fin de la semaine». Sans quoi il figurera «nommément» avec son épouse Simone sur la liste des personnes visées par des sanctions de l'Union européenne.

L'UE a exhorté l'armée à «se placer sous l'autorité» de M. Ouattara, reconnu par la communauté internationale comme le vainqueur de l'élection du 28 novembre. Le département d'Etat américain a également brandi la menace de sanctions.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a estimé que le maintien au pouvoir de M. Gbagbo conduirait à une «parodie de démocratie» et mis en garde contre toute attaque des troupes de l'ONU sur place (environ 10.000 éléments).

L'armée, fidèle à M. Gbagbo, a elle accusé l'Opération de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) d'appuyer militairement les forces soutenant M. Ouattara.

La Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) a appelé le sortant à transférer «immédiatement» le pouvoir au «président élu».

Le président nigérian Goodluck Jonathan, actuel président de l'organisation, a envoyé une lettre au nom de la Cédéao à M. Gbagbo, qui devait lui être remise par le président de la Commission de l'Union africaine Jean Ping.

Arrivé vendredi à Abidjan pour une médiation, dans l'espoir d'éviter le pire au pays, déchiré par une quasi-guerre civile en 2002-2003 et coupé en deux depuis lors, M. Ping a rencontré les deux rivaux.

Vendredi après-midi, dans Abidjan quadrillée par les forces fidèles à Gbagbo, les partisans de Ouattara ne se sont pas mobilisés, malgré l'appel à reprendre la marche sur la télévision d'Etat.

La métropole était calme, même si des tirs sporadiques d'origine indéterminée ont été entendus dans certains quartiers.

«C'est trop dangeureux pour sortir», confiait à l'AFP un militant au Golf hôtel, QG de Ouattara.

Dans le quartier pro-Ouattara d'Abobo (nord), théâtre d'importantes manifestations jeudi, des habitants s'étaient attroupés dans la matinée autour des corps étenuds sur la route de deux jeunes hommes tués d'une balle dans la tête, a constaté un journaliste de l'AFP. Il n'a pas été possible d'établir les circonstances de leur mort.

Le quartier d'Adjamé (nord) offrait le même spectacle que celui de Yopougon (sud, fief de Gbagbo), avec de nombreuses patrouilles des forces de l'ordre. Mais la ville s'est progressivement quelque peu ranimée, même si nombre de commerces restaient fermés.

Dans la soirée, des centaines de personnes ont participé à Bouaké (centre), fief de l'ex-rébellion, à un rassemblement réclamant le départ de Laurent Gbagbo, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Gbagbo dictateur», «Gbagbo, dehors!», «Gbagbo assassin!», a scandé notamment la foule, qui avait reçu le soutien des Forces nouvelles (FN), ex-rébellion dirigée par Guillaume Soro, Premier ministre du gouvernement d'Alassane Ouattara.

M. Soro avait appelé la population à marcher de nouveau vendredi sur la RTI ainsi que sur le siège du gouvernement.

Mais les locaux de la RTI étaient cernés par un impressionnant déploiement de gendarmes, militaires et policiers, avec un blindé garé à l'entrée.

Face à cet échec, le camp d'Alassane Ouattara a appelé vendredi soir «le peuple à rester mobilisé» jusqu'au départ de Laurent Gbagbo.

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