La tension est montée mardi en Côte d'Ivoire en l'absence de résultats provisoires de la présidentielle de dimanche entre le président Laurent Gbagbo et l'ex-premier ministre Alassane Ouattara, ce dernier accusant le chef de l'État de vouloir «confisquer le pouvoir».

«Nous observons que M. Laurent Ggagbo est dans une logique d'empêchement de la Commission électorale d'annoncer les résultats centralisés et il est donc dans une logique de confiscation du pouvoir» qui va «conduire le pays à nouveau dans le chaos», a déclaré un porte-parole d'Alassane Ouattara, Albert Mabri Toikeusse, dans une conférence de presse.

«La victoire ne nous échappera pas», a-t-il martelé avant de demander à la Commission électorale indépendante (CEI) «d'assumer son indépendance et d'annoncer les résultats en toute responsabilité pour libérer définitivement les ivoiriens».

Mardi matin, aucun résultat de ce scrutin historique, destiné à clore une décennie de crises politico-militaires, n'avait été publié, contrairement à ce qu'avait annoncé lundi soir sur la télévision publique RTI le porte-parole de la CEI Bamba Yacouba.

Il n'avait alors communiqué que quelques données sur le vote des Ivoiriens de l'étranger, représentant environ 15 000 inscrits sur les 5,7 millions de personnes figurant sur la liste électorale. Ces résultats créditent M. Ouattara de près de 60% des suffrages contre environ 40% à M. Gbagbo.

Mais mardi matin, à la surprise générale, les techniciens de la RTI ont démonté le studio installé à la CEI, dans un quartier chic d'Abidjan, d'où les résultats devaient être  retransmis, ont indiqué des journalistes sur les lieux.

Ces derniers ont été invités sans explications à quitter le bâtiment, devant lequel s'étaient déployées des forces de l'ordre, et ont été refoulés derrière un périmètre de sécurité, ont témoigné plusieurs d'entre eux.

Le représentant de l'ONU dans le pays, Youn-jin Choi, s'est rendu brièvement dans la matinée au siège de la CEI dont il rencontré le président, Youssouf Bakayoko, pour «encourager» la commission dans son travail, a dit le porte-parole onusien Hamadoun Touré.

Aucune explication officielle de la CEI ni de la RTI n'avait pu être obtenue par l'AFP mardi en milieu de journée, tandis qu'Abidjan et l'intérieur du pays bruissaient de rumeurs.

Dans ce climat de tension et d'incertitude, le quartier abidjanais du Plateau (administration et affaires), qui tournait déjà au ralenti depuis la veille, était désert, a-t-on constaté.

La CEI a officiellement jusqu'à mercredi soir pour proclamer les résultats provisoires du second tour.

Le camp Gbagbo a annoncé lundi qu'il l'avait saisie «pour faire en sorte que (les) résultats soient invalidés» dans au moins trois régions du nord, tenues par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le putsch raté de septembre 2002.

Dans cette zone, où l'opposant Ouattara avait régné en maître au premier tour, les élections «n'ont pas respecté les normes d'un scrutin transparent», a affirmé le porte-parole du candidat Gbagbo, Pascal Affi N'Guessan, dénonçant des «bourrages d'urnes».

«Au regard des chiffres en notre possession», M. Gbagbo «ne peut perdre cette élection», malgré la «fraude», et son rival «ne peut légitimement avancer qu'il gagne, contrairement à ce qui se murmure», a-t-il assuré.

Le camp Ouattara a de son côté affirmé que des partisans de M. Gbagbo avaient empêché ses électeurs de voter notamment dans le centre-ouest, en zone loyaliste.

Six fois repoussée depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005, l'élection s'est déroulée dans un climat de tension qui contrastait avec l'ambiance du premier tour.