La Côte d'Ivoire retenait samedi son souffle à la veille d'une élection présidentielle à hauts risques qui doit mettre un terme à une décennie de crise politico-militaire après six reports depuis 2005.

«Le jour de vérité», titraient en «Une» des quotidiens locaux.

Environ 5,7 millions d'électeurs devront départager 14 candidats, dont les trois ténors de la politique ivoirienne, pour la première fois opposés: le président sortant Laurent Gbagbo (65 ans), l'ex-chef de l'État Henri Konan Bédié (76 ans) et l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara (68 ans).

Le scrutin est censé mettre fin à la crise née du putsch manqué de 2002, qui a entraîné une guerre et coupé le pays en un Sud loyaliste et un Nord tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) de Guillaume Soro, premier ministre depuis l'accord de paix de 2007.

Alors que des retards dans les préparatifs ont jusque récemment fait planer le doute, la Commission électorale indépendante (CEI) s'est efforcé samedi de parachever l'organisation du jour «J».

La distribution des cartes d'électeur doit se poursuivre dimanche dans les bureaux de vote, qui seront ouverts de 07H00 à 17H00 (locales et GMT).

Vu l'importance de l'enjeu, l'élection suscite à l'intérieur comme à l'extérieur «une grande inquiétude», selon l'expression d'un proche de M. Soro.

Si la campagne électorale, close vendredi, n'a pas été émaillée d'incidents majeurs, certains s'attendent au minimum à quelques accrocs au cours du scrutin.

Mais c'est surtout la période qui suivra, jusqu'à l'annonce des résultats, qui alimente les craintes. Chaque camp s'est déjà dit certain de sa victoire.

La CEI a jusqu'à mercredi pour proclamer les résultats provisoires mais elle a pour «ambition» de les «donner dans la journée de lundi», a indiqué à l'AFP l'un de ses vice-présidents, Amadou Soumahoro.

Promettant un comptage des voix «transparent», M. Soro a appelé samedi les candidats à «respecter les seuls résultats qui seront proclamés par la CEI».

«La Côte d'Ivoire a l'occasion de montrer au monde entier qu'elle est une grande nation», a-t-il lancé.

Dans son entourage comme à la CEI, on estime qu'il faut annoncer au plus vite les résultats pour ne laisser personne proclamer, sur la base de ses propres comptages, sa «victoire» ou sa qualification pour le second tour (théoriquement prévu deux semaines plus tard).

L'annonce, par l'agence officielle des télécommunications, de la suspension de la diffusion des SMS de dimanche à mardi a accru tension et suspicions. L'opposition y a vu le «présage d'une volonté manifeste» du camp Gbagbo de «manipuler les résultats».

Mais le chef du gouvernement a assuré samedi que la diffusion de ces messages serait bien «possible» dimanche.

Dans un entretien à l'hebdomadaire français le Journal du dimanche, Laurent Gbagbo dit craindre des «violences» liées au scrutin. Elles «viendront de ceux qui perdront», affirme-t-il, sûr de gagner.

La sécurisation de l'élection est confiée à un état-major mixte loyaliste/FN, mais qui ne disposera pas des 8000 éléments prévus.

Il devrait être aidé par les FN dans le nord et par la police et la gendarmerie dans le sud. L'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci, plus de 8500 hommes) et la force française Licorne (900 hommes) apporteront leur appui.

Les forces armées loyalistes ont annoncé la fermeture des frontières terrestres du samedi à 18H00 au mardi à la même heure. Le chef d'état-major, le général Philippe Mangou, avait expliqué cette semaine qu'il s'agissait d'empêcher «les abonnés aux troubles et à la violence» de «fuir le pays après y avoir mis le feu».

La communauté internationale suit de près cette élection décisive.

Le représentant de l'ONU en Côte d'Ivoire, Youn-jin Choi, s'est engagé à «prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder le verdict des urnes».

La France, ex-puissance coloniale, s'est dite «vigilante» et le président américain Barack Obama a prôné une élection «pacifique».