La Guinée s'est montrée soulagée et heureuse, lundi, d'avoir réussi la toute première élection présidentielle libre de son histoire, même si une phase critique reste à venir avec l'annonce des résultats provisoires mercredi.

Après un demi-siècle de dictatures, 4,2 millions de Guinéens avaient le choix entre 24 candidats, tous civils.

Et la foule des grands jours a été au rendez-vous dans les bureaux de vote.  Le conseil national des organisations de la société civile a même avancé lundi que le taux de participation aurait été de «80% en moyenne».

Pour le journaliste guinéen Souleymane Diallo, cette élection est «une renaissance».

«Après le 28 septembre 1958 (date du referendum rejetant la communauté franco-africaine proposée par le général de Gaulle, ndlr), c'est l'acte majeur de l'indépendance de la Guinée et je ne blague pas», dit cet administrateur du journal satirique Le Lynx.

«C'est la première fois qu'à la veille du scrutin, il était impossible de connaître le nom du futur président!», relève-t-il.

À la commission électorale nationale indépendante (Céni), la satisfaction est réelle: «Il ne nous a pas été signalé d'incidents, ni aux abords des bureaux de vote ni dans les bureaux de vote», a assuré dimanche soir le directeur des opérations électorales de la Céni, Pathé Dieng.

Et, d'une même voix, les chefs des missions d'observation électorale de la Cédéao, de l'Union européenne, de l'Union africaine et du Centre Carter (ONG américaine) ont salué «l'engagement des électeurs qui se sont rendus nombreux aux urnes pour déterminer dans la paix et la sérénité le futur» de ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest.

«Les Guinéens vont pouvoir respirer après des dizaines d'années de dictature», a conclu le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, à Paris.

Depuis son indépendance, l'ex-colonie française a connu la «présidence à vie» d'Ahmed Sékou Touré pendant 26 ans (1958-1984), les 24 années de règne du militaire Lansana Conté (1984-2008), puis une année de gestion catastrophique du pays par une junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara.

Le chef de la junte, victime d'une tentative d'assassinat en décembre, avait été écarté du pouvoir et reste «en convalescence» à Ouagadougou. Depuis six mois, c'est l'ex-général putschiste Sékouba Konaté qui préside la «transition», avec l'appui marqué de la communauté internationale.

À présent, de nombreux Guinéens remercient ouvertement ce général d'avoir tenu sa promesse de mener le pays vers les élections, sans qu'aucun militaire ni dirigeant sortant ne se présente.

La proclamation des résultats définitifs n'est pas prévue avant dimanche.

Trois candidats sont donnés favoris : les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo (2004-2006) et Sidya Touré (1996-1999), ainsi qu'un opposant à tous les régimes depuis l'indépendance, Alpha Condé.

Dans un communiqué, le président de Commission de l'Union Africaine, Jean Ping, a encouragé tous les candidats «à continuer de respecter et à faire respecter les valeurs démocratiques, y compris l'acceptation du verdict des urnes».

«Les jours et les heures qui viennent vont être la période la plus difficile. La Céni a une responsabilité historique. Tout brèche peut entraîner des contestations», a relevé le président de l'Observatoire national des droits de l'homme (ONDH), Mamadou Aliou Barry.

Les missions d'observation internationales ont appelé à «la plus grande vigilance» au moment de «la phase essentielle» et «critique» des «opérations de décompte, centralisation et annonce des résultats».