Mal connue et laissée pour compte, la forêt du Mozambique est pourtant l'une des plus riches de la planète. Dans la pure tradition du XIXe siècle, une expédition naturaliste y a inventorié arbustes et insectes pendant six semaines. De retour à Paris, elle pousse un cri d'alarme.

«Il y a un immense chantier à mettre en place en urgence pour protéger ces dernières forêts sèches», a déclaré Olivier Pascal de l'ONG Pro-Natura international, lors d'une présentation vendredi des premiers résultats.

L'expédition a été lancée en 2009 au Mozambique, mais aussi à Madagascar dans le cadre du projet «La planète revisitée», sous l'égide du Muséum national français d'histoire naturelle (MNHN), de Pro-Natura international et de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

«C'est une sorte de réminiscence de la grande tradition naturaliste, aux grandes époques de la Marine à voile, quand on envoyait au loin sur les mers des scientifiques», se félicite Bertrand-Pierre Galey, directeur général du Muséum.

Cette fois, ce sont des moyens modernes mis en oeuvre pour inventorier une biodiversité en danger. Selon les experts, le quart, voire la moitié, des espèces vivantes pourraient disparaître d'ici le milieu ou la fin du siècle. Un défi majeur pour l'humanité.

«La planète revisitée» vise à dresser, en dix ans, un inventaire dans des zones géographiques peu explorées mais pourtant prioritaires.

De retour de la province de Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique, où il a dirigé une équipe internationale de 25 scientifiques, Olivier Pascal s'inquiète.

Le Mozambique, sorti en 1992 d'une guerre civile de 16 ans, qui a fait au moins un million de morts, «était laissé pour compte. Les grandes ONG ont préféré porter leurs efforts sur des programmes de protection (de la forêt sèche) au Kenya et en Tanzanie», constate-t-il.

Et ce parce qu'«il n'y avait pas d'informations sur le Mozambique et a priori, on pensait que les étendues y étaient très importantes», poursuit-il.

Mais, «mauvaise nouvelle», dit-il. Il reste moins de forêts intactes qu'on ne l'imaginait. La surface estimée était de 4 800 km2. Elle serait en fait de 800 km2. «Mauvaise estimation des surfaces initiales mais aussi parce que la dégradation s'y poursuit», explique-t-il.

Mais, espère M. Pascal, l'expédition va désormais attirer l'attention sur cette forêt mozambicaine. «On arrive avec suffisamment d'informations pour pouvoir convaincre les acteurs de la conservation de faire quelque chose».

De fait, dans cette forêt sèche «qui ressemble à nos forêts tempérées où les arbres perdent leurs feuilles», l'expédition a inventorié faune --petits vertébrés, insectes-- et flore.

«On a collecté 715 espèces de plantes, soit l'équivalent de 60% de la flore du Danemark en quelque semaines!», se félicite-t-il, mettant en exergue la «grande richesse» de cette zone.

Et «bonne nouvelle»: «On a une trentaine d'espèces considérées comme nouvelles pour la science», poursuit-il.

Contrairement à cette mission qui s'est achevée il y a six mois, l'expédition marine menée, elle, dans les eaux froides de l'extrême sud de Madagascar vient juste de se terminer, et l'analyse de l'inventaire va encore prendre du temps.

D'ici là, l'équipe d'Olivier Pascal va retourner à Maputo pour partager le retour d'expérience avec les acteurs locaux. Un aspect fondamental, souligne-t-il.

Ces expéditions type XIXe --siècle triomphant pour la colonisation-- «ont une connotation sympathique sous nos latitudes» mais n'ont peut-être «pas la même réception dans les pays où l'on va», reconnaît-il.

D'où l'importance, souligne-t-il, de travailler «main dans la main» avec les pays d'accueil et leurs institutions.