Bilan mitigé pour l'opération anti-piraterie lancée il y a un an. Malgré les patrouilles militaires dans le golfe d'Aden, le nombre d'attaques a doublé en 2009 et celui des bateaux détournés est resté à peu près le même. Les experts estiment que rien ne pourra venir à bout de ce phénomène tant que subsisteront, sur les côtes somaliennes, des ports où se réfugient les pirates en toute impunité.

Après une série de prises d'otages et de détournements de cargaisons, l'Union européenne a lancé en décembre 2008 l'opération Atalante. Ses navires de guerre sillonnent une zone qui s'étend du sud de la mer Rouge à l'océan Indien. L'OTAN, le Japon, la Corée du Sud et la Chine patrouillent également au large de la Somalie.

Cependant, les attaques de pirates ont doublé en 2009: de 111 en 2008 à au moins 209 depuis le début de l'année, selon le Bureau maritime international. Le nombre de bateaux détournés est, lui, passé de 42 en 2008 à 43 en 2009.

Ce niveau est certes semblable en valeur absolue mais il indique que le taux de succès des pirates a été divisé par deux depuis le début des patrouilles. «Beaucoup plus de bateaux auraient été pris si nous n'avions pas été là», souligne le commandant John Harbour, porte-parole de la force Atalante. Les pirates n'ont saisi aucun bateau dans le golfe d'Aden depuis le mois de juillet, ce qui prouve, selon lui, que la présence européenne a un impact.

Loin de mettre fin à leurs activités, les pirates se sont tournés vers des eaux moins surveillées. Ils s'éloignent des couloirs maritimes si bien gardés. Ils utilisent les bateaux qu'ils ont déjà saisis comme vaisseaux mères pour partir à l'abordage de navires croisant jusqu'à 1.000 milles des côtes somaliennes.

Actuellement, les pirates détiennent au moins dix vaisseaux et plus de 200 membres d'équipage qu'ils espèrent échanger contre des rançons.

«Nous ne pouvons pas dire que quiconque ait gagné la guerre contre la piraterie», estime Cyrus Mody, du Bureau maritime international. «La piraterie reste à un niveau important. Elle n'a pas diminué depuis l'an dernier».

«Ca ne va pas se résoudre en sillonnant l'océan Indien avec des navires de guerre et en capturant des pirates», avoue le contre-amiral Peter Hudson, qui commande Atalante. «La solution à long terme se trouve bien sûr à terre, sur les rivages de la Somalie».

Actuellement, les forces navales suivent une politique baptisée «disrupt and deter» (interrompre et dissuader). Elles confisquent les armes et les autres équipements (grappins, échelles d'abordage...) mais relâchent les suspects pour éviter de longs et coûteux procès. En général, seuls ceux qui sont surpris en flagrant délit de piraterie sont arrêtés.

Lorsque des pirates s'emparent d'un bateau, les militaires évitent d'intervenir, de crainte que des otages ne soient tués ou blessés.

Seul le contrôle du rivage permettrait de mettre fin à ces agissements. Or le gouvernement somalien est tellement faible qu'il ne contrôle même pas la totalité de la capitale, Mogadiscio. Pris dans une guerre civile avec les insurgés d'Al-Shabab, il n'a pas mis la lutte contre la piraterie en haut de ses priorités. Quant aux pays étrangers, très réticents à intervenir, ils n'ont pas oublié l'opération américaine qui s'était soldée par un fiasco en 1993.