Les Seychelles se sont lancées dans une campagne militaire sans précédent, sur mer et jusque dans les airs, pour tenir éloignés les pirates somaliens en maraude des îles paradisiaques de cet archipel de l'océan Indien.

Comptant 115 îlots répartis sur un territoire grand comme trois fois la France, avec 500 militaires et environ 85 000 habitants, le pays est souvent considéré comme indéfendable militairement. Le nez collé sur le hublot en plexiglas d'un avion de surveillance, le capitaine Jean Attala, des gardes-côtes seychellois, a repéré sur l'immensité des flots bleus un bateau suspect, du genre des esquifs généralement utilisés par les pirates.

«Rodney, où est passée la petite cible sur tribord?», interroge à la radio le pilote sud-africain, Donn du Preyz, qui lance son appareil en piqué.

Le second-lieutenant Rodney Zarine empoigne un petit joystick et fixe son écran-radar, tout en zoomant avec la caméra infra-rouge installée dans le nez de l'avion.

Fausse alarme. Après avoir tourné à plusieurs reprises autour du point blanc, l'équipe vient d'identifier un bateau de pêche seychellois.

«Ces derniers mois, nous patrouillons en permanence, le plus souvent conjointement avec les forces européennes (opérant dans la zone). Nos avions sont équipés de caméras dont les photos et images peuvent nous servir de preuves», explique le capitaine Attala.

En 2008, les pirates somaliens ont capturé des dizaines de navires le long des côtes Somaliennes, menaçant l'une des routes maritimes les plus fréquentées du monde.

«Les marines européennes, des USA et de l'OTAN ont envoyé leurs vaisseaux de guerre pour sécuriser le golfe d'Aden», repoussant les pirates plus à l'est vers les Seychelles, au large desquelles les attaques se sont multipliées depuis septembre, souligne l'officier.

Tout en scrutant l'horizon avec une imposante paire de jumelles, le capitaine Attala redoute que les pirates, toujours plus audacieux, ne décident un jour de débarquer sur une des îles isolées de l'archipel et y renouent avec une forme de piraterie oubliée depuis près de trois siècles.

«Il y a deux ans, nous pensions qu'ils resteraient à 200 miles nautiques (380 km) des côtes somaliennes. Nous ne nous attendions pas à ce qu'ils arrivent jusqu'ici», reconnaît le lieutenant-colonel Rosette, le patron des gardes-côtes seychellois.

Sous la menace, l'archipel renforce aujourd'hui son arsenal contre les pirates. Des militaires ont été récemment déployés sur les îlots les plus isolés, et une unité nouvellement créée des forces spéciales - baptisée «Tazar» - participera à la lutte contre les forbans.

«Nous nous préparons en cas d'un débarquement de pirates», souligne le lieutenant-colonel Rosette.

«Les pirates somaliens sont imprévisibles (...). Nous avons vu comment ils se sont remarquablement adaptés à de nouvelles situations, en particulier à la présence militaire dans le golfe d'Aden», ajoute Joel Morgan, ministre de l'Environnement et des transports, en charge de la lutte anti-piraterie.

Les marines de guerre patrouillant dans l'océan Indien ont acquis au fil des mois une expérience certaine contre les pirates et amélioré leur coordination. Mais ce dispositif plus serré pourrait pousser les flibustiers à prendre de plus gros risques, analyse M. Morgan.

«Je les imagine capables de tenter un raid sur l'une de nos îles isolées pour kidnapper des otages», précise-t-il.

«Nous sommes en relative sécurité pour le moment. Mais il faut s'attendre à des assauts de plus en plus audacieux», prédit le ministre.