Des hommes armés qui semblent motivés par la perspective d'une rançon ont kidnappé mercredi trois employés de Médecins sans frontières au Darfour, accentuant la pression qui s'exerce sur les organisations humanitaires dans cette région du Soudan déchirée par la guerre civile.

Une jeune infirmière montréalaise, Laura Archer, figure parmi les otages, avec le médecin italien Mauro d'Ascanio et le coordonnateur français, Raphaël Meonier. Tous trois travaillaient pour la mission belge de l'organisation internationale au dispensaire de Serif Umra, dans le nord du Darfour.

 

«Nous sommes extrêmement préoccupés tant pour la sécurité de nos employés que pour la population du Darfour», a dit hier Marilyn McHarg, directrice de la section canadienne de Médecins sans frontières (MSF).

Depuis que la Cour pénale internationale a lancé un mandat d'arrestation contre le président soudanais Omar el-Béchir, au début du mois, le gouvernement soudanais a expulsé une quinzaine d'organisations humanitaires, dont deux équipes de MSF.

Presque tous les autres employés internationaux de MSF devront faire leurs valises à la suite du kidnapping de mercredi. L'organisme a en effet décidé de rapatrier son personnel international pour des raisons de sécurité, ne laissant au Darfour qu'une équipe «squelettique» vouée strictement à suivre la situation des trois otages.

Conséquence immédiate de ce repli: MSF devra abandonner sa campagne de vaccination contre la méningite, alors que deux foyers de cette maladie virulente ont été identifiés au Darfour.

Au plus fort de sa présence au Darfour, MSF desservait une population d'environ un million de personnes. Même si l'organisation emploie encore plusieurs centaines de travailleurs locaux au Darfour, elle craint de devoir rapidement cesser presque toutes ses activités. À lui seul, le dispensaire de Serif Umra recevait environ 4000 patients par mois, entre autres pour des soins périnataux et des problèmes de sous-alimentation.

«On ignore s'il sera dorénavant possible de fournir des soins à tous ces gens», déplore le Québécois Jean-Sébastien Matte, responsable de programme pour MSF qui a effectué quelques séjours au Darfour. Il juge la situation actuelle extrêmement inquiétante.

Demande de rançon

Le kidnapping peut-il faire partie d'une campagne d'intimidation contre les organisations humanitaires encore présentes au Darfour? La directrice de la section canadienne n'a pas voulu spéculer à ce sujet, soulignant que MSF avait «quitté les points de service d'où elle avait été évacuée, et possédait toutes les autorisations pour rester là où elle était.»

Selon MSF, le gouvernement soudanais travaille à faire relâcher les otages. Khartoum a d'ailleurs condamné cet enlèvement comme un «acte de banditisme inacceptable».

Aucune information ne permettait hier d'identifier l'organisation à laquelle pourraient appartenir les hommes armés qui sont entrés dans la maison de Médecins sans frontières mercredi à 21 heures, pour emmener cinq employés, dont deux, des employés locaux, ont été rapidement relâchés.

La section belge de MSF a reçu un appel du coordonnateur français dans la nuit de mercredi. Il a assuré que les trois otages étaient ensemble et qu'ils étaient bien traités. Depuis, c'est le silence. Aucun groupe n'a revendiqué l'enlèvement.

Les ravisseurs réclament une rançon en échange de la libération de leurs otages, a dit hier le gouverneur de Darfour-Nord, Osmane Mohammed Yousif Kibir, au Centre soudanais des médias, qui, selon l'Agence France-Presse, est proche des services de renseignement. Selon M. Kibir, le gouvernement de Khartoum négocie avec les ravisseurs.

La guerre civile qui oppose des groupes rebelles du Darfour aux janjawids, des milices arabes, a fait 300 000 morts et 2,7 millions de déplacés depuis cinq ans. Khartoum a toujours nié être derrière les janjawids.