Vingt-quatre minutes : c'est le temps nécessaire pour couvrir à pied la distance entre le siège du FBI et celui du Comité national du Parti démocrate (DNC). Or, il a fallu que s'écoulent neuf mois avant qu'un agent de la police fédérale ne prenne la peine de se présenter en personne chez les démocrates pour leur expliquer la gravité des cyberattaques contre leur système informatique menées par des pirates liés au gouvernement russe. Jusque-là, l'employé subalterne du DNC contacté au téléphone croyait avoir affaire à un farceur.

Ce détail se trouve dans un long article publié hier sur le site du New York Times concernant les opérations de piratage russe pendant la campagne présidentielle. Il s'agit du reportage le plus fouillé sur la question (et aussi le plus convaincant).

L'incurie du FBI est l'un des facteurs qui ont permis à la Russie d'interférer dans l'élection de 2016. Un autre de ces facteurs tient à la peur de Barack Obama d'envenimer la situation en accusant publiquement la Russie d'ingérence dans la campagne présidentielle, ce que le Parti démocrate le priait de faire dès le mois d'août. L'autre facteur important participe de la décision des médias américains de faire le jeu de la Russie en consacrant des reportages quotidiens sur les courriels piratés par les agents du Kremlin et publiés au compte-gouttes par WikiLeaks.

«Tous les médias d'importance, y compris le New York Times, ont publié de multiples articles sur les courriels du DNC et de John Podesta [président de la campagne de Clinton] publiés par WikiLeaks, devenant de facto complices du renseignement russe», écrit le Times dans un aveu remarquable.

Rien ne dit que le piratage russe a joué un rôle déterminant dans l'élection de Donald Trump. Mais il a bien servi les adversaires d'Hillary Clinton, tout comme la fameuse lettre du FBI publiée à 11 jours de l'élection présidentielle sur une relance possible de l'enquête sur l'Emailgate. Or, si le FBI avait démontré le même zèle face au piratage russe qu'il n'en a démontré à propos des courriels de Clinton, le Congrès n'aurait peut-être pas à se résigner à enquêter sur cette question après l'investiture de Trump au poste de président.