À l'époque où il tenait une chronique sur les médias pour l'hebdomadaire New York, Michael Wolff était un journaliste quasiment incontournable. Même s'il était parfois accusé d'inventer des scènes dont il disait avoir été témoin, il n'hésitait jamais à écorcher nommément les plus gros noms de l'industrie. Son livre à paraître sur la Maison-Blanche de Donald Trump, intitulé Fire and Fury: Inside the Trump White House, reflète son style provocateur voire téméraire.

La Maison-Blanche a déjà mis en cause la crédibilité de Wolff, qualifiant son livre de «fiction digne d'un tabloïd trash» (les avocats du président ont envoyé ce matin une mise en demeure à Wolff et à son éditeur, Henry Holt, exigeant le retrait de Fire and Fury et des excuses). Le Washington Post, tout en rappelant la feuille de route pas toujours reluisante de Wolff, a soulevé de son côté des questions sur certains passages de Fire and Fury, dont une longue conversation à laquelle l'ancien patron de Fox News Roger Ailes et Steve Bannon ont pris part lors d'un souper new-yorkais entre l'élection et l'investiture de Donald Trump. Comment l'auteur a-t-il pu recréer cette conversation?

Le site Axios répond ce matin à cette question : Wolff est celui qui a accueilli Ailes, Bannon et trois autres personnes dans son appartement de Greenwich Village, où le souper s'est déroulé. Bannon, faut-il le préciser, a collaboré de façon étroite à ce livre en ouvrant notamment les portes de son bureau (et de la Maison-Blanche) à Wolff, qui a pu jouer ainsi le rôle de la mouche proverbiale sur le mur.

Pendant ses nombreuses visites à Washington, Wolff campait à l'hôtel Hay-Adams, près de la Maison-Blanche, où il a confessé plusieurs des conseillers de Donald Trump. Selon Axios, il a enregistré la plupart de ses entrevues avec les plus hauts responsables de la Maison-Blanche.

Quant à Michael Wolff lui-même, il signe aujourd'hui dans le Hollywood Reporter un article adapté de son livre dans lequel il évoque notamment le mépris que les conseillers de la Maison-Blanche ont pour le président, qualifié de «con comme la lune» par Gary Cohn, qui a utilisé une expression plus scabreuse en anglais selon l'auteur (dumb as shit). Je cite un extrait de cet article :

«Bref, personne ne s'attend à ce que (le président) survive à Mueller. Quelle que soit la nature de la "collusion" avec la Russie, Trump, de l'avis de ses principaux conseillers, n'a pas la discipline pour affronter une enquête difficile ni la crédibilité pour attirer le calibre d'avocats dont il aurait besoin pour le défendre (Au moins neuf cabinets juridiques majeurs ont décliné une invitation de représenter le président.)

«Il y a plus: tout le monde est douloureusement conscient du rythme croissant de ses répétitions. À une époque, il avait l'habitude de répéter après 30 minutes, mot pour mot, les mêmes trois histoires. Maintenant, c'est dix minutes. En fait, la plupart de ses tweets sont le produit de ses répétitions - il ne peut arrêter de se répéter.»

P.S. : Un avocat du président a envoyé une mise en demeure à Steve Bannon, lui ordonnant de ne plus dénigrer Donald Trump et sa famille. Selon cet avocat, Charles Harder, l'ancien conseiller aurait violé une entente de confidentialité qu'il aurait lui-même signée. Parmi les confidences sulfureuses de Bannon à Wolff, j'avais omis hier de mentionner celle-ci: selon l'ancien conseiller, il est virtuellement certain que Trump lui-même a rencontré les Russes le 9 juin 2016 après le rendez-vous de ces derniers à la Trump Tower avec Donald Trump fils et compagnie.

P.P.S. : Puisqu'il est question de poursuite, soulignons celle de Paul Manafort, ancien président de la campagne présidentielle de Donald Trump, contre le ministère de la Justice, le numéro deux de ce ministère, Rod Rosenstein, et le procureur spécial Robert Mueller. Les avocats de Manafort soutiennent que Mueller a outrepassé son mandat en l'inculpant pour des affaires financières ne concernant pas directement l'affaire russe. Plusieurs juristes estiment de leur côté que le mandat de Mueller l'oblige à poursuivre toutes les pistes menant à des actes criminels.