À l'instar d'Oxfam-Québec et d'Oxfam-Canada, la Croix-Rouge canadienne indique avoir fait face à quelques cas d'inconduite sexuelle dans un passé récent.

Au cours des cinq dernières années, l'organisation a notamment congédié un coopérant en poste au Soudan du Sud qui faisait l'objet d'une plainte pour une « agression sexuelle de nature criminelle ».

« C'était plus que des attouchements », a indiqué à La Presse le porte-parole de l'organisation, Michel Léveillé, qui n'a pu donner plus de détails sur les circonstances de l'agression, survenue en 2017.

Les autorités locales, dit-il, ont été avisées des allégations ciblant le coopérant, d'origine étrangère.

La Croix-Rouge canadienne, qui avait déployé une unité d'enquête interne pour faire la lumière sur la situation avant de procéder au licenciement, n'a pas précisé hier si l'homme avait été accusé formellement en justice dans le pays et condamné.

Dans un autre cas survenu en 2012, un employé de la Croix-Rouge canadienne qui avait développé une relation intime avec une femme du pays où il était en poste a reçu un avertissement formel de la part de l'organisation.

M. Léveillé a indiqué que la femme en question n'était pas une bénéficiaire des services de l'organisation, mais était susceptible de le devenir ou était liée à des personnes qui l'étaient, ce qui rendait la relation déplacée.

Le porte-parole n'a pas voulu préciser le pays, se bornant à dire qu'il est situé « en Asie » pour éviter que des personnes puissent reconnaître l'individu dont il est question.

Trois employés congédiés chez MSF

Après avoir passé en revue ses dossiers, Médecins sans frontières Canada a confirmé pour sa part à La Presse qu'elle avait congédié trois employés pour inconduite sexuelle au cours des dix dernières années.

Le porte-parole de l'organisation, Idriss Lomba, a indiqué dans un courriel que deux des cas touchaient « le personnel de terrain canadien » et n'avaient pas fait de victime parmi la population locale. Il a précisé que le troisième cas était survenu au Canada sans donner de détails sur sa nature.

L'organisation explique n'avoir transmis aucun des cas recensés à la police parce que les plaignants n'avaient pas réclamé qu'une telle démarche soit faite.

CARE Canada, qui compte près de 90 personnes à son siège social canadien et plus de 1000 personnes dans 6 missions à l'étranger, s'est dit incapable de fournir des données au sujet du nombre de cas d'inconduite sexuelle.

« Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un sujet pour lequel les exigences de transparence s'accentuent », a indiqué un porte-parole, Darcy Knoll, en relevant que l'organisation travaillait actuellement à la compilation des données recensées dans ses différents bureaux à l'étranger.

Oxfam-Québec et Oxfam-Canada ont précisé plus tôt cette semaine qu'ils avaient fait face à une poignée de cas d'inconduite sexuelle en 10 ans.

Médecins du monde Canada ainsi qu'Humanité et Inclusion Canada ont assuré de leur côté qu'ils n'avaient pas fait face à des allégations de ce type.

La ministre rencontre les organisations

Les pratiques des organisations humanitaires canadiennes en matière de lutte contre l'inconduite sexuelle sont actuellement examinées par la ministre fédérale du Développement international, Marie-Claude Bibeau.

Elle promet de réclamer, si nécessaire, des correctifs aux organisations humanitaires recevant un soutien financier du gouvernement, qui injecte annuellement près de 180 millions de dollars pour en soutenir une vingtaine.

Une première rencontre a eu lieu mercredi en présence des représentants d'une dizaine des principales organisations, qui ont notamment discuté de la marche à suivre pour éviter que des coopérants sanctionnés puissent retrouver un emploi dans le secteur humanitaire sans divulguer leur passé.

Oxfam dans la tourmente

L'organisation britannique Oxfam est dans la tourmente depuis qu'un quotidien anglais a révélé la semaine dernière que plusieurs de ses employés avaient utilisé des prostituées en 2011 lors d'une mission en Haïti. Les causes exactes de leur congédiement avaient ensuite été passées sous silence, suscitant des accusations de camouflage.

La controverse est aussi alimentée par le comportement de l'ancien directeur de pays en Haïti de l'organisation, qui avait pu quitter son poste discrètement après avoir reconnu une relation déplacée. Il avait précédemment été renvoyé par une ONG qui l'employait au Liberia pour avoir côtoyé des prostituées dans une soirée.

La direction d'Oxfam international a annoncé hier une série de mesures visant à démontrer qu'elle est déterminée à tout mettre en oeuvre pour éviter qu'un tel scénario puisse se répéter.

Une cabale idéologique ?

Le patron d'Oxfam Grande-Bretagne, Mark Goldring, a dénoncé hier dans une entrevue au quotidien The Guardian la sévérité des critiques faites à l'encontre de l'organisation tout en réitérant son mea culpa par rapport à la manière dont le dossier haïtien avait été géré. « L'intensité et la férocité de l'attaque nous obligent à nous demander : "Qu'est-ce qu'on a fait ? A-t-on tué des bébés dans leur lit ?" », a relevé l'administrateur. M. Goldring a suggéré que les positions d'Oxfam sur les inégalités sociales pouvaient expliquer en partie la situation. « Vous ne résoudrez pas la pauvreté des gens si tout ce que vous faites est d'aider avec une école, un puits ou une infirmière. Nous allons au-delà en nous interrogeant sur ce qui fait que les gens restent pauvres. Nous remettons en question l'état des choses et beaucoup de gens n'aiment pas ça », a-t-il indiqué.