En répondant à la terreur par la terreur, l'administration Bush a déclenché une guerre contre les idéaux des États-Unis, écrit Jane Mayer, de la revue New Yorker, dans un livre publié la semaine dernière.

Intitulé The Dark Side (La face cachée), l'ouvrage associe la riposte aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 à l'hystérie antirouge alimentée par le gouvernement en 1919, au racisme antijaponais après Pearl Harbor et à la paranoïa maccarthyste des années 50.

La différence, souligne Jane Mayer, c'est que «la guerre au terrorisme» a été menée par un petit groupe secret d'employés selon le principe que «rien ne devait entraver l'exercice du pouvoir présidentiel».

Le «Conseil de guerre», ainsi nommé par ses propres membres, était dirigé par David Addington, chef du personnel du vice-président Dick Cheney. Il était épaulé par Alberto Gonzalez, alors conseiller juridique de la Maison-Blanche, et John Yoo, sous-secrétaire adjoint à la Justice.

Ce «conseil», écrit-elle, fonctionnait selon la logique voulant que, en temps de guerre, «aucune loi ne pouvait limiter le pouvoir du président en matière de sécurité nationale», et que celui-ci «pouvait surseoir aux lois du Congrès».

Citant non pas des critiques de l'administration mais des professionnels de l'armée et du renseignement, des fonctionnaires et un rapport secret du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l'auteure affirme que les États-Unis ont eu recours à la torture.

Elle écrit que les États-Unis ont fait fi des conventions de Genève, emprisonné des gens sans procès et créé un «goulag» de milliers de suspects, dont des innocents, maltraités et humiliés, souvent livrés à des tortionnaires étrangers.

Le livre a fait l'objet de recensions détaillées dans les grands médias américains et européens.

L'administration Bush n'a pas réagi aux accusations, mais le New York Times a écrit il y a deux semaines que des documents sur la torture à Guantánamo, soumis en juin au Congrès, étaient basés sur des techniques d'interrogatoire chinoises appliquées aux GI durant la guerre de Corée.

Un million de suspects

Le livre est sorti au moment où l'Union américaine des libertés civiles (ACLU) révélait que la liste des personnes suspectées de terrorisme aux États-Unis dépassait un million de noms et enfreignait les libertés civiles de milliers d'innocents.

Le Centre d'élimination du terrorisme (TSC), formé de plusieurs agences du gouvernement, affirme que la liste contient quelque 400 000 noms «seulement», mais que le nombre d'«enregistrements» est plus élevé à cause de faux noms.

Chad Kolton, du TSC, maintient que la liste «s'est avérée efficace» pour combattre le terrorisme, mais l'ACLU soutient le contraire, citant des cas d'innocents harcelés sans raison parce que leur nom est sur la liste, tel James K. Robinson, un ancien procureur fédéral.