Le président George W. Bush a opéré un spectaculaire changement diplomatique face au casse-tête nucléaire iranien en acceptant qu'un haut diplomate assiste pour la première fois à des discussions entre les partenaires des Américains et les Iraniens samedi à Genève.

Le numéro trois du département d'État William Burns participera à ces entretiens entre le diplomate en chef de l'Union européenne, Javier Solana, des diplomates de cinq pays (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Russie et Chine) qui ont mené les négociations jusqu'alors et le négociateur iranien Saïd Jalili, bien que l'Iran persiste dans son refus de suspendre ses activités nucléaires les plus sensibles.

Or l'administration Bush avait fait jusque là de la suspension de l'enrichissement d'uranium la condition impérative d'une participation américaine à des négociations multilatérales avec l'Iran.

«Nous serons là-bas pour écouter, nous n'y serons pas pour négocier», a dit la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino.

La présence de M. Burns à ces discussions est un fait unique et il répètera ce que Washington a toujours dit: que l'Iran doit suspendre l'enrichissement, que la secrétaire d'État Condoleezza Rice est prête à rencontrer son homologue «n'importe quand, n'importe où» si l'Iran s'exécute et qu'il encourt «plus de sanctions» s'il ne le fait pas, a dit Mme Perino.

Néanmoins, l'initiative américaine a été perçue par les experts comme un changement de direction considérable.

La rencontre de Genève est «très importante parce que la stratégie antérieure ne marchait pas», a dit l'expert Vali Nasr sur CNN. «Cela veut dire que cette administration considère l'approche diplomatique beaucoup plus sérieusement et veut tenter quelque chose».

En envoyant un diplomate d'un tel niveau, l'administration Bush paraît donner raison, dans ses derniers mois, à ceux qui, en Europe ou aux États-Unis, disaient que la crise iranienne ne pouvait être résolue sans une forte implication diplomatique américaine.

L'une des grandes attentes du régime iranien passe en effet pour être celle de garanties de sécurité. Or M. Bush a toujours refusé d'écarter le recours à la force contre l'Iran.

Les discussions de Genève ont été précédées de tirs de missiles iraniens, de grandes manoeuvres iraniennes et israéliennes et d'une rhétorique belliqueuse.

L'envoi de M. Burns à Genève «montre combien nous pensons sérieusement ce que nous disons, quand nous disons que nous voulons essayer de résoudre ceci par des moyens diplomatiques», a dit Mme Perino.

Le gouvernement américain veut croire que les sanctions du Conseil de sécurité, celles des États-Unis et de l'Union européenne commencent à produire leur effet.

Certains diplomates européens disent voir les signes d'un «débat» nouveau en Iran sur la question nucléaire, a également relevé par Mme Perino.

Echaudés par des années de dialogue infructueux et compliqué avec les Iraniens, les Européens, qui ont pris en charge les discussions avec le soutien des Américains, se veulent cependant prudents.

«J'ai parlé longuement avec les Iraniens», résumait mardi le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner. «Il n'y avait rien sur le fond qui avançait. Nous continuerons (à dialoguer), mais il faut savoir qu'on a déjà beaucoup essayé».

Mercredi, le Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a déclaré que si «l'Iran a décidé de participer aux négociations», il «n'acceptera aucune menace» et «aucune puissance ne pourra priver l'Iran de la technologie nucléaire».

Les discussions de samedi, adossées à une offre de coopération multiple faite à l'Iran, visent à préparer le «cadre» de «pré-négociations», les négociations proprement dites restant conditionnées à la suspension de l'enrichissement, selon un diplomate européen.