On peut légitimement se poser la question: Kim Jong-Un n'a-t-il aucun sens de l'humour?

Certes, le leader autoritaire nord-coréen n'est pas connu pour être un plaisantin, mais après avoir vu The Interview, on a du mal à comprendre ce qui le froisse tant dans cette comédie de Seth Rogen.

Peut-être est-ce l'humour potache tendance scatologique du film, un croisement entre James Bond et Very bad trip. Ou Kim Jong-Un a-t-il réellement eu peur que le complot fictif de la CIA pour assassiner le chef de l'État coréen mis en scène dans le film pousse brusquement ses sujets à la rébellion.

Quoi qu'il en soit, la Corée du Nord a juré des «représailles sans merci» contre le long-métrage distribué par Sony Pictures, qu'il qualifie «d'acte de terreur».

Le studio de cinéma a été victime d'une attaque informatique massive fin novembre, qui s'est soldée par le vol de données personnelles de 47 000 personnes, la diffusion d'échanges électroniques très embarrassants pour les dirigeants de Sony Pictures, dont des remarques à caractère raciste visant le président américain Barack Obama, et la mise illégale sur internet de cinq films du studio, dont deux qui ne sont pas encore sur les écrans.

Paradoxalement, cette affaire qui pourrait s'avérer très coûteuse pour Sony devrait doper les perspectives du film au box-office: des spectateurs du monde entier qui auraient probablement ignoré cette comédie meurent à présent d'envie de voir cet objet cinématographique à l'origine d'une véritable crise diplomatique...

Le film devait initialement sortir en octobre et doit maintenant arriver sur les écrans aux Etats-Unis le jour de Noël, une date importante car beaucoup d'Américains vont au cinéma en famille pendant les vacances de fin d'année.

«Cela ne fait certainement pas de mal à Sony Pictures d'avoir un pays qui prend position publiquement contre l'un de ses films», constate Jeff Bock, de la société spécialisée dans le box-office Exhibitor Relations, ajoutant: «Cela va créer de la curiosité, les gens vont vouloir voir pourquoi il fait tant de bruit».

The Interview met en scène Dave Skylark (James Franco), présentateur d'un journal télévisé.

Lui et son producteur (Seth Rogen) se voient offrir la possibilité d'interviewer l'homme fort de la dictature communiste, dont l'incarnation dans ce film est prétendument fan de Dave Skylark.

Nuit de folie

Mais une agent de la CIA sexy, l'Agent Lacey (Lizzy Caplan, vue dans la série Masters of Sex), convainc le duo de profiter de leur entrevue pour assassiner le dirigeant en lui administrant une dose de ricine.

Tout se déroule comme prévu jusqu'à ce que le duo arrive à Pyongyang, et que Skylark passe une nuit folle avec Kim à parler de basket-ball et à faire des blagues à tendance homosexuelle ou sur les chansons de Katy Perry.

Skylark ne se résout alors plus à tuer son nouvel ami, ce qui déclenche tout un enchaînement d'intrigues plus ou moins drôles jusqu'à un dénouement qui pourrait selon toutes probabilités ne pas être du goût du chef d'État.

Cette amitié s'inspire de celle du vrai Kim avec la star retraitée du basket Dennis Rodman, invité à Pyongyang plusieurs fois.

La réaction outrée de la Corée du Nord rappelle celle du Kazakhstan au moment de la sortie de «Borat», où le comique britannique Sacha Baron Cohen singeait un journaliste originaire de la république d'Asie centrale.

«L'interview qui tue!» comprend une série d'apparitions de stars, y le chanteur de rap Eminem admettant qu'il est gay, Rob Lowe affublé d'une perruque, la chanteuse de r&b Nicki Minaj, l'acteur Joseph Gordon-Levitt, ou encore les présentateurs humoristes Seth Meyers et Bill Maher.

GOP (ou Guardians of Peace), le groupe qui a revendiqué l'attaque informatique contre Sony Pictures, a demandé au studio d'annuler la sortie du film, qui a coûté 30 millions de dollars, un budget relativement modeste pour les standards hollywoodiens, et qui devrait selon toutes probabilité s'avérer très rentable.