Aux commandes du programme né de la C Series de Bombardier depuis près de quatre mois, Airbus estime qu'il lui faudra encore « des années » avant que l'A220 ne puisse devenir un succès économique.

Le géant européen, qui n'a pas eu à verser un sou dans le cadre de cette prise de contrôle, a indiqué mercredi avoir encore beaucoup de pain sur la planche afin d'améliorer notamment la cadence de production tout en serrant la vis aux fournisseurs.

« En même temps, c'est un programme qui a besoin de trouver un point de fonctionnement économique », a expliqué son président des avions commerciaux, Guillaume Faury, mercredi, au cours d'une rencontre avec la presse en compagnie de celui qui a été désigné par Airbus pour diriger le programme de l'A220, Philippe Balducchi.

M. Faury, qui deviendra le grand patron d'Airbus en avril, est de passage à Montréal dans le cadre de la rencontre annuelle de tous les fournisseurs de la multinationale - qui se déroule pour la première fois dans la métropole - ainsi que pour assister à la livraison du premier A220-100 à Delta Air Lines, qui aura lieu vendredi.

Dans le cadre d'une table ronde, celui-ci a rappelé que pour les programmes récents, comme celui de l'A220, il fallait faire preuve de patience avant d'atteindre ce point de « fonctionnement économique ».

« À quel moment cela va se passer ? Cela prend du temps, a dit M. Faury, refusant de fournir un échéancier. Nous sommes en train de construire cela. »

En juillet, Airbus avait indiqué que l'intégration de la C Series devrait avoir une incidence négative de 200 millions d'euros sur son bénéfice d'exploitation ajusté pour l'exercice. Si MM. Faury et Balducchi ont une idée de l'impact financier à plus long terme, ils n'ont pas dévoilé de montants.

Le dirigeant de la division des avions commerciaux d'Airbus a également joué de prudence lorsqu'on lui a rappelé que Bombardier estimait que la C Series aurait une incidence positive sur ses flux de trésorerie en 2020.

« Nous ne sommes plus dans les conditions du programme de Bombardier de l'époque, a répondu M. Faury. Nous avons complètement redéfini le programme. »

Tout en améliorant la cadence de production à Mirabel, Airbus table toujours sur son projet de chaîne de montage américaine pour l'A220 à ses installations situées en Alabama, afin de desservir ses clients établis au sud de la frontière. À l'heure actuelle, 402 exemplaires de l'A220 ont été commandés.

Un rapprochement et des économies

Airbus croit que son rendez-vous annuel dans la métropole constitue une occasion de solidifier ses liens d'affaires avec le Canada au-delà du programme de l'A220.

Toutefois, les fournisseurs qui seront présents pour écouter les attentes du géant européen risquent d'avoir droit à un refrain connu étant donné que la multinationale souhaite obtenir d'importantes économies.

« Les discussions avec certains (fournisseurs) sont très positives, a expliqué M. Balducchi. C'est clair, également, que lorsque l'on demande des efforts économiques, ce n'est pas toujours facile. Mais les discussions sont engagées et les fournisseurs sont réceptifs. »

Selon divers reportages, Airbus aurait demandé des réductions à certains fournisseurs pouvant atteindre 20 %.

Dans le but d'obtenir des concessions au niveau des prix, l'avionneur européen fait miroiter une hausse des volumes découlant d'une accélération des ventes de l'A220, qui peut transporter de 100 à 150 personnes.

L'avionneur européen se prépare également à négocier un nouveau contrat de travail avec les quelque 2000 travailleurs à Mirabel dont la convention collective vient à échéance le 30 novembre. M. Balducchi a laissé entendre qu'il ne devrait pas y avoir de demandes de concessions exigées de la part des travailleurs.

« La réduction sur les coûts [...] devra se faire d'abord et avant tout par des gains de productivité et par la réduction du nombre d'heures passées sur chaque avion », a-t-il dit.

Selon l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA), qui représente les salariés de Mirabel, c'est le genre de message qui a déjà été lancé de la part de l'employeur, a indiqué un porte-parole syndical, Guillaume Valois, qui ne s'est pas montré inquiet.