(Washington) La Réserve fédérale américaine (Fed) veut imposer aux banques de taille moyenne un niveau de fonds propres supérieur pour éviter de nouvelles faillites et une déstabilisation du secteur, à l’image de la crise au printemps, a indiqué lundi son vice-président Michael Barr.

Dans l’absolu, le secteur bancaire est censé appliquer les règles dites de Bâle III, un ensemble de propositions imposant notamment des fonds propres minimaux afin d’éviter, comme lors de la crise financière de 2008, que les gouvernements ne soient obligés de voler au secours d’établissements menacés de faillite.

Mais les États-Unis ont choisi d’imposer ces règles uniquement à leurs enseignes majeures, disposant de plus de 700 milliards de dollars d’actifs ou réalisant une partie de leur activité à l’étranger.

La chute de la banque Silicon Valley Bank (SVB) en mars et les secousses dans le secteur, avec la chute d’autres établissements régionaux, ont poussé les régulateurs américains à revoir leur approche.

« Je vais recommander que les règles renforcées de capitaux propres concernent les banques de 100 milliards de dollars d’actifs ou plus. […] Cela implique que davantage d’établissements seront concernés que dans le cadre actuel », a détaillé M. Barr dans un discours à Washington.

Les propositions de la Fed ne devraient entrer en vigueur que « dans plusieurs années au moins », après une consultation publique et une phase transitoire de mise en conformité.

Nouvelles exigences

En pratique, ces établissements devront disposer de 2 points de pourcentage supplémentaires de leurs actifs en fonds propres, afin d’être en capacité de faire face à d’éventuels chocs.

« Notre expérience montre que même une banque de cette taille peut provoquer des tensions susceptibles de s’étendre à d’autres établissements et de remettre en question la stabilité financière », a justifié M. Barr, rappelant que l’absence de liquidités était l’une des causes de la chute de SVB.

La banque centrale estime qu’en l’état, « la plupart des banques ont déjà suffisamment de fonds propres pour faire face à ces nouvelles exigences », a expliqué le responsable.

Selon lui, les autres pourront les remplir « en moins de deux ans, tout en versant leurs dividendes ».

Banque régionale spécialisée dans les dépôts des entreprises du secteur de la tech, SVB a été mise en difficulté en mars par la hausse des taux de la Fed qui s’est traduite par une dévalorisation d’une partie de ses actifs alors qu’elle devait faire face à une sortie massive de capitaux.

Le secteur financier américain a alors connu plusieurs semaines de tensions, marquées par la chute d’établissements régionaux comme Signature et First Republic.

La Fed, ainsi que le département du Trésor, ont depuis cherché à rassurer les marchés, affirmant que le secteur financier américain était « solide et résilient ».

Mais, a souligné M. Barr, chaque grande banque dispose de son modèle interne d’évaluation des risques de crédit et elles ont tendance à les « sous-estimer ». Il plaide donc pour une « approche standardisée », qui faciliterait également la tache pour les banques moyennes.

La Fédération bancaire américaine (ABA) s’est dite déçue face à « la détermination » de M. Barr de vouloir renforcer les fonds propres des banques malgré « les éléments probants de leur bonne capitalisation ».

Selon l’ABA, la Fed « ne prend pas suffisamment la mesure des conséquences négatives » d’imposer aux banques d’accroître leurs capitaux propres, affirmant que cela aurait un « coût pour l’économie ».

« Nous sommes prêts à nous opposer à toute réforme qui affectera l’économie et qui ne sera pas nécessaire pour maintenir la sécurité et la solidité du système bancaire », a-t-elle prévenu.

Voix divergentes à la Fed

Ces propositions pourraient faire l’objet d’une certaine opposition au sein même du conseil de la Fed. Michelle Bowman s’est d’ores et déjà exprimée contre l’idée de nouvelles règles de supervision sans « enquête impartiale et indépendante » sur les causes des turbulences dans le secteur bancaire.

« Nous devons faire preuve de prudence concernant ce qui s’est mal passé », avait relevé Mme Bowman fin juin. « Une erreur de perception et une mauvaise compréhension des causes profondes » de ces faillites pourraient avoir « des effets négatifs sur les banques et leurs clients ».

Pour Michael Barr, ces commentaires sont le « rappel que chaque membre du conseil fait ses propres choix quant au fait de voter ou non une proposition, et je le respecte ».

Autre mesure proposée : augmenter la proportion de dettes à long terme des banques, qui doit permettre « d’améliorer la capacité d’une banque à faire face aux difficultés, car la dette à long terme peut être convertie en capitaux propres et ainsi être utilisée pour absorber les pertes » éventuelles, a souligné Michael Barr.

Le vice-président de la Fed a suggéré par ailleurs de revoir les conditions des tests de résistance, qui permettent de vérifier régulièrement la capacité du secteur à résister à différents scénarios de crises.