Toutes les autorités monétaires aux quatre coins du monde ont entrepris de remonter les taux d’intérêt pour tenter d’apaiser une inflation galopante. Toutes ? Non. La Chine fait exactement l’inverse.

À la fin de 2021, quand il est devenu évident que les taux d’intérêt devaient augmenter dans la plupart des pays industrialisés pour calmer la hausse des prix, la Banque populaire de Chine a commencé à réduire les siens.

Le pays est moins touché par l’inflation, mais il n’est pas à l’abri non plus. Une augmentation fulgurante du prix du porc, aliment de base des Chinois, force par exemple le gouvernement à puiser dans sa réserve stratégique de viande congelée pour la deuxième fois cette année afin que le prix redevienne abordable pour la population.

L’inflation fait moins mal à la Chine parce qu’elle ne souffre pas autant que le reste du monde de l’augmentation du prix de l’énergie depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

En fait, les Chinois en profitent en achetant au rabais le pétrole et le gaz naturel que les Russes ne peuvent plus vendre à l’Europe.

Le plus grand exportateur mondial ne ressent pas non plus l’impact de la volonté affirmée de ses partenaires commerciaux traumatisés par la pandémie de réduire leur dépendance aux produits « Made in China ». Du moins, pas encore. La part de la Chine dans le total des exportations mondiales continue d’augmenter, selon les chiffres de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (UNCTAD).

Des blessures auto-infligées

L’économie chinoise ralentit, mais pas pour les mêmes raisons qu’ailleurs dans le monde. La politique zéro COVID-19, que le président chinois s’entête à maintenir, commence à peser lourdement sur la croissance. Si le premier ministre François Legault a été accusé la semaine dernière d’avoir été « le plus grand confineur d’Amérique du Nord », le président chinois Xi Jinping peut bien être considéré comme le plus grand confineur au monde. Des villes entières de plusieurs millions d’habitants sont tour à tour cadenassées et immobilisées chaque fois que le virus est détecté.

À la veille du congrès du parti qui doit lui donner un troisième mandat, le président chinois ne montre aucun signe d’assouplissement du côté des restrictions sanitaires et des confinements à répétition.

L’autre poids qui pèse sur l’économie chinoise est le résultat des efforts du gouvernement pour limiter la frénésie immobilière. Avec la grande migration des Chinois de la campagne vers les villes, la construction de logements a alimenté pendant deux décennies la croissance intérieure du pays. Le secteur immobilier a crû, jusqu’à représenter actuellement de 20 % à 30 % du PIB chinois.

Des empires se sont créés, comme Evergrande qui s’est révélé un géant aux pieds d’argile. La bulle immobilière a enflé jusqu’au point que le gouvernement a décidé d’agir. Il a réduit la capacité d’emprunts des promoteurs immobiliers, et ce tour de vis a enclenché ce qui pourrait devenir la plus grande catastrophe immobilière de tous les temps.

Deux ans après ce coup de volant, le marché immobilier est toujours au fond d’un trou profond. Les promoteurs sont étranglés par les dettes, ceux qui ont acheté un logement avant sa construction, comme c’est la coutume en Chine, ont arrêté de payer leur hypothèque de peur que les travaux ne soient jamais achevés et ceux qui voulaient devenir propriétaires fuient maintenant le marché.

La crise est si profonde qu’à moins d’une injection massive d’argent du gouvernement, le secteur immobilier pourrait entraîner toute l’économie chinoise dans sa chute. Le « mot qui commence par un R » (pour récession), pratiquement inconnu en terre chinoise, commence à faire son apparition.

L’économie chinoise a échappé à la récession qui a touché la plupart des pays du monde en 2020 et rebondi l’année suivante, avec une croissance de 8,1 %. Depuis le début de 2022, le ralentissement est sérieux : le PIB a crû de seulement 0,4 % au deuxième trimestre, et les prévisions de croissance pour l’année ont été réduites par la plupart des prévisionnistes, dont le Fonds monétaire internationale.

On s’attend maintenant à ce que la croissance chinoise soit de 3 % ou moins en 2022, ce qui serait la plus faible depuis 40 ans. C’est surtout loin de l’objectif de 5,5, % fixé par le gouvernement de Xi Jinping, qui rame actuellement à contre-courant, mais qui, au fond, veut la même chose que tout le monde, soit éviter la récession.