(Washington) Les passionnés d’espace du monde entier retiennent leur souffle : le télescope spatial James Webb, le plus puissant jamais envoyé en orbite, s’apprête à dévoiler mardi ses premières images en couleur de l’Univers, qui promettent d’être spectaculaires.

Lointaines galaxies et nébuleuses pépinières d’étoiles… La NASA a révélé vendredi le nom des cinq premières cibles choisies. Mais les images ont elles jalousement été tenues loin des yeux des curieux, afin de créer suspense et surprise.

« J’ai vraiment hâte de ne plus avoir à garder ce secret, ce sera un grand soulagement », a confié à l’AFP Klaus Pontoppidan, responsable scientifique au Space Telescope Science Institute de Baltimore, chargé des opérations de James Webb.

Fin juin, le patron de la NASA, Bill Nelson avait promis « l’image la plus profonde jamais prise de notre Univers ».  

Les images doivent à la fois impressionner le grand public par leur beauté, mais aussi démontrer aux astronomes du monde entier toute la puissance des instruments scientifiques embarqués. C’est pour cette raison qu’ils ont visé une diversité d’objets cosmiques.

Les experts pourront ainsi se faire une idée de ce dont est capable James Webb, et s’entraîner à l’interprétation des données collectées, à l’aide de logiciels dédiés.  Donnant le top départ d’une grande aventure scientifique.

« Lorsque j’ai vu les images pour la première fois […], j’ai appris d’un coup trois nouvelles choses sur l’Univers que je ne savais pas avant », a confié à l’AFP Dan Coe, astronome à l’institut de Baltimore, et l’un des rares chanceux dans la confidence. « Ça m’a complètement soufflé. »

James Webb va « transformer notre compréhension de l’Univers », a-t-il témoigné.  

En couleur

Les noms des objets cosmiques observés sont tout aussi poétiques qu’énigmatiques : la nébuleuse de la Carène et de l’anneau austral – de gigantesques nuages de gaz et de poussières où se forment les étoiles –, le Quintette de Stephan – un groupement compact de galaxies –, ou encore l’amas de galaxies SMACS 0723, agissant comme une loupe permettant de voir les faibles lueurs derrière lui, encore plus loin…  

Les couleurs probablement majestueuses qui seront dévoilées sur les photographies ne seront toutefois pas directement celles observées par le télescope.

La lumière se décompose en différentes longueurs d’ondes, et James Webb fonctionne lui dans l’infrarouge, que l’œil humain ne peut percevoir. La lumière infrarouge est également riche en couleurs, mais n’étant pas dans le spectre visible, celles-ci seront donc « traduites » dans des couleurs que nous pouvons distinguer.

Grâce à ces observations dans l’infrarouge proche et moyen, James Webb pourra voir à travers des nuages de poussière impénétrables pour son prédécesseur, le mythique télescope spatial Hubble. Lancé en 1990 et toujours en fonctionnement, celui-ci a bien une petite capacité infrarouge mais opère surtout dans la lumière visible et les ultraviolets.

« Même quand Hubble réussissait à prendre l’image d’une galaxie lointaine, il n’était pas capable de distinguer un écureuil d’un éléphant », a résumé pour l’AFP David Elbaz, astrophysicien français.  

« On va découvrir la formation d’étoiles enfouies dans de la poussière interstellaire, des galaxies invisibles car enfouies dans des chrysalides de poussière », s’est-il enthousiasmé, ému et impatient de découvrir les images.

Autres grandes différences entre les deux télescopes : le miroir principal de James Webb est près de trois fois plus grand que celui de Hubble, et il évolue bien plus loin : à 1,5 million de kilomètres de la Terre, contre 600 km pour Hubble.  

Autres mondes

Mardi,  la première spectroscopie du télescope James Webb doit également être rendue publique, une technique utilisée pour déterminer la composition chimique d’un objet lointain. En l’occurrence, WASP-96 b, une planète géante composée essentiellement de gaz et située en dehors de notre système solaire.  

Les exoplanètes (des planètes en orbite autour d’une autre étoile que notre Soleil) sont l’un des axes de recherches principaux de James Webb. Environ 5000 ont été découvertes depuis 1995, mais elles restent très mystérieuses.

Le but est d’étudier leur atmosphère afin de déterminer si elles pourraient se révéler être des mondes habitables et propices au développement de la vie.  

La publication de ces premières images marquera le début officiel du tout premier cycle d’observation scientifique du télescope.  

Plusieurs centaines de projets d’observation, proposés par des chercheurs du monde entier, ont déjà été retenus par un comité de spécialistes pour cette première année de fonctionnement.