Accueillis à bras ouverts au Canada, pour certains recevant même un manteau du premier ministre Justin Trudeau à leur arrivée à l'aéroport il y a un an, les réfugiés syriens font maintenant face à leur lot de difficultés.

Fahed Fattouh est arrivé au Canada avec sa femme et leurs deux enfants le 28 décembre 2015, grâce au pont aérien mis en place par le gouvernement. Au total, 35 000 Syriens ont trouvé refuge depuis un an au Canada.

La famille Fattouh avait fui la ville martyre d'Alep pour Beyrouth, au Liban, en août 2012.

«Je ne sais pas quoi faire», dit Fahed, 50 ans. Depuis un an, sa famille vit grâce à l'aide financière de son beau-frère, installé au Québec depuis vingt-cinq ans.

Ce dernier a parrainé les membres de la famille avec un engagement auprès du gouvernement de couvrir les besoins de ces réfugiés pendant un an, pour environ 30 000 dollars avec la prise en charge d'un logement, de la nourriture et l'accompagnement pour les démarches administratives.

Fahed, sa femme Jouli, 42 ans, et leurs deux enfants, Sparta, 11 ans, et Adeeb, 8 ans, vivent maintenant dans un appartement meublé à Laval, la troisième ville du Québec, dans la banlieue nord de Montréal.

«Le Canada est le seul pays au monde à permettre à ses citoyens d'adopter des réfugiés», explique à l'AFP Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation pour les réfugiés, regroupement d'une centaine d'organismes venant en aide aux immigrants au Québec.

Pour plusieurs réfugiés, l'angoisse financière est permanente, explique ce responsable. «L'argent, c'est quelque chose d'important, mais ça va», reconnaît pour sa part Fahed, en espérant pouvoir compter sur le soutien continu de son bon samaritain de beau-frère.

«Problème systémique»

Pour Fahed, trouver du travail reste le plus difficile. Il est pourtant urologue et médecin légiste de formation. «J'ai 25 ans d'expérience, mais je ne peux pas travailler», se désole-t-il.

Pour exercer, il faudrait qu'il refasse au moins cinq ans d'études de médecine et passe «trois examens», parce que l'ordre professionnel des médecins du Québec ne reconnaît pas ses diplômes.

«Il y a un problème systémique au Québec de reconnaissance des équivalences et des acquis qui est bien connu», rappelle Stephan Reichhold.

À regret, Fahed a renoncé à exercer la médecine au Québec. Un paradoxe, quand des milliers de Québécois n'ont pas de médecin de famille, passage obligé pourtant pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, ou doivent patienter des heures interminables dans des services d'urgence débordés et désorganisés.

Il envisage plutôt d'étudier «une année ou deux» dans le domaine paramédical, afin d'obtenir une aide gouvernementale pour décrocher ensuite un travail non protégé par un ordre professionnel. Son épouse Jouli veut aussi passer par une formation et, peut-être, devenir éducatrice en garderie.

«Parmi les réfugiés, explique M. Reichhold, il y a beaucoup de professionnels, des gens qui doivent en partie faire leur deuil de la possibilité de retrouver un travail au niveau qu'ils avaient en Syrie avant la guerre civile. Et ça, c'est très difficile».

«Un pays d'avenir»

Depuis sept mois, Fahed consacre ses journées à l'apprentissage gratuit du français dans un centre d'enseignement pour adultes, à deux pas de chez lui.

«Le français, c'est très difficile», assure Fahed, dans une langue pourtant fluide, malgré quelques imprécisions.

Au Centre de développement des compétences Laurier, à Laval, 700 immigrants ou réfugiés apprennent le français, langue officielle au Québec, dont 120 Syriens.

«Ils ont une très grande motivation à apprendre», dit la directrice, Heather Halman.

Mis à part ces difficultés d'intégration, Fahed trouve «les Québécois très gentils. On ne se sent pas étrangers».

Ses enfants, Sparta et Adeeb, s'expriment avec aisance en français et ont déjà intégré des classes normales à l'école.

«Entre un quart et un tiers des réfugiés syriens sont des enfants», dit à l'AFP la ministre québécoise de l'Immigration, Kathleen Weil. «Ces enfants-là maîtrisent la langue déjà très bien. Ils représentent notre avenir».

«Je suis content d'être ici pour les enfants», assure Fahed. «Le Canada, c'est un pays d'avenir, ils feront quelque chose qu'ils voudront».

Quand elle sera grande, Sparta aimerait devenir avocate, tandis qu'Adeeb «veut être policier».

Fahed ignore ce qu'il deviendra, mais pour lui, le plus important «c'est de suivre les enfants et la vie».