Pendant des heures, avec une apparente aisance et une grande volubilité, Jean-Philippe Tremblay a parlé. De lui, de ses lunettes, de ses blondes, de sa famille, de ses goûts... L'enquêteur aux homicides qui l'interrogeait, en cette soirée du 15 mars 2013, écoutait patiemment. Ce qu'il voulait savoir au sujet du meurtre de Pina Rizzi allait venir, bien des heures plus tard.

De fait, après avoir nié, puis pleuré, M. Tremblay a fini par avouer qu'il avait tué cette jolie femme d'une quarantaine d'années qu'il avait croisée, au petit matin dans la rue Sainte-Catherine, le 2 août 2009. Cette femme, qu'il n'avait jamais vue auparavant, s'appelait Pina Rizzi. Elle était maquilleuse professionnelle auprès d'artistes. Son corps a été découvert deux jours plus tard, dans le cabanon d'un ancien commerce de la rue Notre-Dame Est. Le cadavre était caché dans un tapis qui avait brûlé en partie.

Ce n'est que quatre ans plus tard qu'un suspect, M. Tremblay, a été identifié et accusé.

Le jury chargé de juger M. Tremblay a passé les deux derniers jours à écouter son interrogatoire, qui a duré environ neuf heures. C'est le sergent détective Gilles Lafrance, du Service de police de la Ville de Montréal, qui menait ce fascinant interrogatoire. À un certain moment, l'enquêteur a expliqué comment on réalisait une enquête de meurtre. Petit à petit, il a resserré l'étau sur le suspect : « On a tes empreintes, dans le cabanon, ton ADN dans une gomme, sur un mégot de cigarette... »

Le jury doit écouter la dernière partie aujourd'hui.

RETOUR SUR LES FAITS

M. Tremblay a maintenant 28 ans. Il est père de quatre enfants. Au moment des faits, il avait une vingtaine d'années et était militaire à Saint-Jean-sur-Richelieu. Selon le récit, parfois difficilement audible, qu'il a livré, il est venu à Montréal ce fameux soir du 1er août 2009 avec des collègues de la base. Ils seraient allés dans un bar de danseuses et, à un certain moment, ils sont partis et il s'est retrouvé seul, dehors. Il a croisé Mme Rizzi, lui a demandé d'utiliser son téléphone pour appeler ses collègues. Toujours selon lui, elle lui a fait des avances. N'ayant pas l'habitude de « pogner avec une beauté », il a marché avec elle. Elle l'a entraîné vers le cabanon, où ils ont commencé à « s'embrasser et à se faire plaisir ». M. Tremblay a dit qu'il n'arrivait pas à avoir d'érection, qu'il est sorti du cabanon pour fumer. La femme est allée vers lui et l'a collé, puis l'a ramené dans le cabanon. Il ne savait pas quoi faire et n'était pas à l'aise.

« Je pogne les nerfs et la repousse, elle pogne les nerfs après moi. Elle me brasse, me brasse. Je la pogne, j'y donne un coup, elle se relève. Je l'ai assommée un peu », a-t-il dit.

M. Tremblay a raconté que la femme lui a dit : « Mon gros tabarnak, tu vas finir la job », et qu'elle a enlevé son pantalon. « Je lui ai donné un autre coup », a-t-il dit, avant d'ajouter qu'il lui avait asséné d'autres coups avec un objet trouvé dans le cabanon.

M. Tremblay croyait être sorti du cabanon vers 6 ou 7 h du matin. L'enquêteur, formel, lui a dit alors : « Tu arrives à 5 h 51. À 5 h 52, tu entres dans le cabanon, et tu repars à 10 h 51. » M. Tremblay semblait surpris, et a dit qu'il avait sans doute « perdu connaissance ».

Giuseppina (Pina) Rizzi, 47 ans, trouvee morte le 4 aout dernier. Son corps etait enroule dans un tapis partiellement calcine, a l'interieur d'un atelier de carrosserie de la rue Notre-Dame Est, non loin de la rue Frontenac, dans le quartier Centre-Sud, a Montreal. Elle etait coiffeuse de stars. On la voit sur la photo en compagnie du jeune Maxwell Perry Cotton, vedette du film A Dennis the Menace Christmas, en 2006. Photo fournie par la famille.

interrogatoire de Jean-Philippe Tremblay, accusé du meurtre de Pina Rizzi.