La belle-mère de la fillette de Granby devra purger 13 ans de prison avant d’être admissible à une demande de libération conditionnelle. Le juge a tranché après une journée forte en émotions, vendredi, alors que trois personnes se sont adressées au tribunal : la mère biologique de la victime, sa grand-mère et sa tante.

« Le comportement de l’accusée dépasse l’entendement, a souligné le juge Louis Dionne avant de rendre sa décision. La méthode utilisée pour corriger [la victime] ce jour-là demeure tout à fait incompréhensible, inexpliquée, inexplicable. Le crime est insensé et relève d’un acte odieux quand on pense à ce que la victime a pu vivre durant toutes ces heures. »

La belle-mère de 38 ans a admis avoir ajouté du ruban adhésif sur la fillette de 7 ans alors qu’elle était déjà enroulée de plusieurs couches de papier collant. La semaine dernière, un jury l’a déclarée coupable de meurtre au deuxième degré et de séquestration. Elle écope ainsi de la prison à perpétuité.

  • L’amas de ruban adhésif dans lequel a été enroulée la petite victime. Certains témoins ont décrit cette pièce comme une « carapace » ou encore une « momie ».

    PHOTO FOURNIE PAR LA COUR

    L’amas de ruban adhésif dans lequel a été enroulée la petite victime. Certains témoins ont décrit cette pièce comme une « carapace » ou encore une « momie ».

  • Avant d’être enroulée de ruban adhésif, la fillette a été vêtue d’une chemise pour adulte, les manches nouées à l’arrière. Celle-ci ressemblait à une « camisole de force », ont relaté certains témoins pendant le procès.

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    Avant d’être enroulée de ruban adhésif, la fillette a été vêtue d’une chemise pour adulte, les manches nouées à l’arrière. Celle-ci ressemblait à une « camisole de force », ont relaté certains témoins pendant le procès.

  • Pour éviter que la fillette tente de se sauver, des meubles avaient été placés devant les fenêtres de sa chambre.

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    Pour éviter que la fillette tente de se sauver, des meubles avaient été placés devant les fenêtres de sa chambre.

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En matinée vendredi, la Couronne a suggéré qu’elle purge de 15 à 18 années de prison avant d’être admissible à une demande de libération conditionnelle. La défense a proposé qu’elle y soit admissible après 10 ans.

La protection des enfants est l’une des valeurs les plus fondamentales de la société canadienne.

Le juge Louis Dionne

Pour arriver à sa décision, le juge a évalué que la belle-mère représentait un faible risque de récidive. Il a souligné que cette dernière a toujours l’appui de sa famille comme en témoignent six lettres qui lui ont été transmises par des proches, en matinée. Le juge a aussi imposé quatre années d’incarcération sur le chef de séquestration.

« La blessure est encore vive »

Avant que les avocats plaident sur la peine, la mère biologique de la fillette a pris la parole publiquement pour la première fois depuis le début du procès. Elle a expliqué au juge Louis Dionne les répercussions de la mort de sa fille sur sa vie. Elle a aussi remis, en main propre, une lettre qu’elle a écrite à la belle-mère.

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La fillette de Granby, alors qu’elle était âgée de deux ans et demi.

« On ne s’attend pas à mettre un enfant au monde pour le perdre dans une tragédie comme ça », a dit d’entrée de jeu la femme qui a eu quatre autres filles après la naissance de la victime et de son petit frère. « La blessure est encore vive et elle est toujours aussi douloureuse », a-t-elle ajouté.

La femme âgée de 30 ans a l’impression de « tourner en rond » depuis la mort de sa fille. Elle affirme avoir revu le petit frère de la victime, qui se trouvait dans la maison lorsque sa sœur a été enroulée de ruban adhésif et qu’elle a été trouvée inanimée. Mais leurs rencontres ont remué trop d’émotions et de flash-backs difficiles, a-t-elle dit.

Je ne peux pas me permettre d’être heureuse. Je ne me le permets pas. Aussitôt que ma fille est partie, je me suis perdue et je ne me suis jamais retrouvée. Je n’ai plus la joie.

La mère biologique de la victime

« Au moins, en ce moment, elle ne souffre plus. C’est la phrase que je me répète tous les jours, tous les matins quand je me lève et tous les soirs quand je fais de l’insomnie », a dit la femme qui avait par moments la voix vacillante.

Une petite fille pleine de vie

La grand-mère paternelle de la fillette a également lu une lettre poignante devant le tribunal. Rappelons que son fils, le père de la victime, a plaidé coupable à une accusation de séquestration cette semaine. Il évite ainsi la tenue d’un procès en janvier. Les observations sur la peine auront lieu le 7 janvier.

« Ce n’est pas le drame d’une seule enfant et d’une seule famille, mais c’est le drame de tout le Québec », a souligné la femme qui a eu la garde de la fillette jusqu’à ses trois ans et demi.

L’aînée a dit être marquée par l’image de sa petite-fille, mal en point dans son lit d’hôpital, quelques heures avant sa mort. « Une petite fille vivante, espiègle, pleine de vie, bien en chair à une petite fille squelettique, maigre comme ça ne se peut pas. Ça frappe », a-t-elle lu.

La grand-mère a eu une pensée pour les cousines de la victime qui se posent plusieurs questions sur sa mort et pour ses quatre petites sœurs qui ne la connaîtront jamais.

[Je] pense également à son petit frère qui a tout vu et tout entendu. Il a vécu un traumatisme énorme. Il restera marqué à vie.

La grand-mère paternelle de la victime

« Si [l’accusée] en avait assez et ne la voulait plus, pourquoi ils n’ont pas accepté de me la redonner comme je l’avais demandé à la cour ? Pourquoi tant d’acharnement sur cette enfant ? », s’est-elle également questionnée.

Le procureur de la Couronne, MClaude Robitaille, a aussi lu une lettre d’une tante de la victime qui n’était pas présente au palais de justice de Trois-Rivières pour les observations sur la peine. « La douleur ne diminue pas et même avec le temps, les questions sans réponses sont multiples. Dites-vous que la population entière ne comprend pas. Imaginez pour nous la famille », a-t-elle écrit.