C’est au tour du diocèse d’Amos d’être visé par une demande d’autorisation d’action collective pour des sévices sexuels commis par des prêtres sur des enfants dans les années 1960.

La requête a été déposée mardi en Cour supérieure, au palais de justice d’Amos, par le cabinet d’avocats Arsenault Dufresne Wee. Elle concerne pour l’instant cinq hommes qui auraient été agressés à plusieurs reprises par cinq abbés. « Aucune organisation religieuse n’est à l’abri de ça », a rappelé à La Presse MAlain Arsenault.

La personne à l’origine de cette demande est un homme de 65 ans, qu’on ne peut nommer.

Pendant 5 ans, de l’âge de 7 à 11 ans, il dit avoir été agressé par l’abbé Paul-Émile Bilodeau, à l’école Notre-Dame-de-Fatima, à Val-d’Or. Ce prêtre, mort en 2013, à 83 ans, était professeur de catéchèse.

Les faits reprochés sont ainsi décrits dans la requête :

« À plusieurs reprises, entre 1963 et 1967, sur une période de plusieurs mois, l’abbé Paul-Émile Bilodeau entraîne le demandeur dans une petite pièce située dans le couloir menant au gymnase de l’école, en prétextant vouloir le corriger ou le punir, et l’agresse sexuellement.

« Les agressions sexuelles prennent la forme, notamment, de pénétrations anales initiées par l’abbé Paul-Émile Bilodeau sur la personne du demandeur. Durant ces agressions sexuelles, l’abbé Paul-Émile Bilodeau ordonne au demandeur de ne pas crier, sans quoi il ira en enfer. »

Au bout de quelques années, le garçon aurait été de nouveau agressé par l’abbé Bilodeau alors qu’il servait comme garçon de messe à l’église Notre-Dame-de-Fatima.

Les sévices auraient cessé « des mois plus tard » quand il en a informé son père. Ce dernier aurait parlé à l’évêque d’Amos de l’époque, Mgr Joseph-Aldée Desmarais, qui a envoyé l’abbé Bilodeau dans la paroisse de Chibougamau.

Dans la requête, la liste des dommages subis par la présumée victime est longue : tentatives de suicide, épisodes dépressifs, séquelles psychologiques, décrochage scolaire, anxiété, colère, irritabilité, sentiment d’impuissance, périodes d’itinérance, peur, consommation de drogues, dysfonction sexuelle…

« Ce qui est intéressant dans ce dossier, c’est qu’on a une preuve de la manière dont les diocèses et les organisations religieuses ont toujours fonctionné, c’est-à-dire lorsqu’ils avaient un problème : ils changeaient de paroisse le prêtre déviant. Ce dossier est l’un des rares, et je dirais même, à la rigueur, le premier, où on a cette preuve », affirme MArsenault.

Des enfants de 10 à 14 ans

Quatre autres personnes ont joint le cabinet d’avocats pour s’inscrire à cette action collective, visant d’autres prêtres agresseurs.

L’abbé Réal Couture aurait commis une dizaine d’agressions sur un garçon alors âgé de 10 à 14 ans, à Parent ; l’abbé Armand Roy aurait agressé à une trentaine de reprises un garçon de 12 ans, à Laferté et à Launay ; l’abbé Lucien Côté aurait commis plusieurs agressions sur un garçon de 10 et 11 ans, à Authier-Nord ; et l’abbé Hubert Fortier aurait commis de nombreuses agressions sur un garçon de 12 et 13 ans, à Berry.

Tous ces prêtres sont aujourd’hui morts.

Dans leur demande, les avocats reprochent au diocèse d’Amos d’avoir « omis d’instaurer des politiques ou de prendre des mesures en vue de prévenir la commission d’agressions sexuelles » de la part de ses membres « ou d’en assurer la cessation », alors qu’il avait « les pouvoirs nécessaires pour relever de leurs fonctions les préposés qui ne s’acquittaient pas de leurs tâches convenablement ».

Les défenderesses ont perpétué le risque que l’abbé Bilodeau commette d’autres agressions sexuelles, et il est vraisemblable de croire qu’effectivement, de telles agressions ont été commises alors qu’il agissait à titre de curé ailleurs.

Extrait de la demande d’action collective

« Comment voulez-vous qu’il y ait moins d’agressions avec ce genre de politique ? », demande MJustin Wee.

« Moi aussi »

Le demandeur réclame une somme de 600 000 $, dont 300 000 $ à titre de dommages non pécuniaires pour les préjudices découlant des agressions sexuelles dont il aurait été victime, 150 000 $ pour ses pertes pécuniaires et 150 000 $ à titre de dommages punitifs en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.

La même somme est exigée par le bureau d’avocats pour chacune des victimes présumées.

Il s’agit de la première demande d’action collective déposée dans le district judiciaire d’Abitibi.

C’est juste symbolique, mais je suis content que, pour cette première, ça concerne une réclamation de victimes d’agressions sexuelles qui réclament justice et que la vérité soit faite sur ce qui s’est passé de 1940 à nos jours.

MJustin Wee

Des actions collectives ont été intentées contre des congrégations religieuses et d’autres diocèses au Québec, dont les diocèses de Montréal, de Joliette, de Québec, de Trois-Rivières, de Saint-Hyacinthe et de Saint-Jean–Longueuil, par le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats, spécialisé dans ce type de dossiers.

Toutes les personnes qui le souhaitent peuvent s’inscrire à cette action collective, de façon gratuite et confidentielle, en communiquant avec le cabinet d’avocats Arsenault Dufresne Wee. « Chaque fois qu’il y a un article sur une poursuite contre un diocèse, le lendemain et pendant quelques jours, le téléphone sonne : moi aussi, moi aussi, moi aussi », note MArsenault, qui s’attend à plusieurs appels.

« On va découvrir beaucoup de choses », croit MWee.

753 272 km2

Superficie totale du territoire desservi par le diocèse d’Amos, qui comprend notamment Kuujjuaq, Salluit, Inukjuak, Chisasibi, Chibougamau, La Sarre, Senneterre et Val-d’Or

Source : Diocèse d’Amos