Du Jack Daniel’s, du bourbon, une canette de Palm Bay, des cigarettes : les ravisseurs de Nicholas Tsouflidis auraient traité leur prisonnier avec soin, sans jamais recourir à la violence et discutant, même, de philosophie avec lui. Le récit du président des restaurants Chez Cora a de nouveau été remis en question par la défense jeudi au procès de Paul Zaidan.

« C’est vraisemblable, ce que vous dites ? C’est vraisemblable, votre histoire que les ravisseurs vous ont donné de la bouffe, plusieurs types d’alcool, des cigarettes ? Qu’ils ne vous ont jamais frappé ? », a insisté l’avocat de l’accusé, MHovsep Dadaghalian, dans un contre-interrogatoire serré du témoin-clé de la Couronne.

La défense s’évertue depuis deux jours à démontrer que Nicholas Tsouflidis n’a peut-être jamais été enlevé en mars 2017. Paul Zaidan, un ex-franchisé de Chez Cora, est accusé d’avoir enlevé et séquestré Nicholas Tsouflidis et d’avoir demandé une rançon de 11 millions de dollars à sa mère Cora Tsouflidou. La Couronne ne détient toutefois « aucune preuve directe » impliquant Paul Zaidan, mais seulement des « preuves circonstancielles ».

Selon son récit, Nicholas Tsouflidis a été enlevé par trois hommes, le soir du 8 mars 2017. Un jeune homme barbu, qui n’était pas masqué, a réussi à l’attirer à l’extérieur de sa résidence en prétextant avoir perdu ses clés. Menacé par une arme à feu, l’homme d’affaires a été jeté dans le coffre d’un véhicule. Il a alors réussi à appeler le 911, car les ravisseurs ne lui avaient pas retiré son cellulaire.

Nicholas Tsouflidis maintient avoir été enchaîné pendant plusieurs heures dans le sous-sol d’une résidence par des ravisseurs disant faire partie de la « mafia libanaise ».

Après avoir découvert qu’il avait appelé les secours, les ravisseurs ont finalement « dompé » leur prisonnier dans un fossé de Laval, où il a été retrouvé le lendemain sain et sauf.

Pas de violence, soutient-il

Le témoin soutient n’avoir jamais été frappé par ses ravisseurs pendant sa captivité, même s’il ne cessait de les narguer. « Vous êtes poches ! Vous êtes caves ! Vous êtes les pires bandits qu’il n’y a pas ! », aurait lancé Nicholas Tsouflidis.

« Vous insultez les ravisseurs. Vous les envoyez promener et personne n’a touché à un poil de vos cheveux ? », s’est interrogé MDadaghalian.

« Ils ne m’ont pas battu. Je leur disais de me libérer. J’étais désagréable, je parlais fort, je posais plein de questions. Ça a fonctionné », a rétorqué Nicholas Tsouflidis.

Il a longuement été question jeudi de la consommation d’alcool de Nicholas Tsouflidis. L’homme d’affaires affirme s’être fait offrir par ses ravisseurs trois types d’alcool, dont des fonds de bouteille de Jack Daniel’s et de Wild Turkey. Même s’il ne boit jamais d’alcool fort – et pratiquement aucun alcool –, Nicholas Tsouflidis affirme avoir bu à même la bouteille pendant un bon moment. Il était alors éméché (« tipsy ») au point qu’il n’aurait pas été en mesure de conduire sa voiture, a-t-il témoigné.

PHOTO STÉPHANE CHAMPAGNE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Nicholas Tsouflidis

« Il y avait une bouteille déjà entamée, et ils m’ont amené une autre bouteille, c’était comme un fond. J’ai dit : est-ce qu’il y a quelqu’un qui fume ? Ils m’ont donné une ou deux cigarettes, je ne me souviens pas qu’ils m’ont donné le paquet », a aussi expliqué le témoin.

« Est-ce qu’il y avait de la musique avec ça ? », a alors répliqué du tac au tac l’avocat de la défense.

Nicholas Tsouflidis affirme avoir eu des discussions « philosophiques » avec ses ravisseurs, qui portaient un masque du film Scream, un masque Anonymous et un masque de président américain. Les jeunes mafieux lui disaient alors être de « bons gars » avec des « familles ». « On ne veut pas aller en prison », lui auraient-ils dit.

Mercredi, la défense s’est efforcée de dépeindre Nicholas Tsouflidis comme un homme colérique et harcelant en présentant des messages envoyés par le témoin aux enquêteurs : « Va chier bro ! », « Vous allez brûler, fuck you ! », « Vous êtes des pas bons, le système n’est pas bon ! », « Vous êtes faibles ! ».

Son contre-interrogatoire se poursuit vendredi.

Depuis le début du procès, il a été encore peu question de l’accusé Paul Zaidan. Dans son témoignage, Nicholas Tsouflidis a expliqué lui avoir « retiré » son enseigne de Chez Cora en 2015 parce que son restaurant de L’Île-des-Sœurs ne respectait pas les normes de la chaîne.

Selon la théorie de la poursuite, Paul Zaidan a joué un « rôle » dans toute cette affaire. Les policiers auraient relié l’accusé à une tablette électronique qui se serait connectée à une adresse courriel notée dans la lettre de rançon. Paul Zaidan aurait retourné cette tablette dans un magasin Best Buy « au moment même » où M. Tsouflidis a été retrouvé, a déclaré au jury la procureure de la Couronne MSarah Beaudry-Leclerc.