« Je trouve ça éminemment grave, car on s’attaque à des représentants du système judiciaire sans aucune gêne », lance Yves Francœur, président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal.

En moins d’un an, des policiers ont été ciblés par des coups de feu à au moins quatre reprises au Québec.

La semaine dernière, une policière de la Sûreté du Québec (SQ) a été atteinte par une balle et blessée à la suite d’une interception de routine à Sainte-Marie, en Beauce.

Depuis septembre 2020, des policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont été la cible de coups de feu à trois reprises : des patrouilleurs à vélo pris à partie – l’un d’eux a été blessé – par un individu qui a ouvert le feu sur eux dans le Vieux-Port ; l’agent Sanjay Vig, qui a été frappé avant d’être visé par des coups de feu tirés avec sa propre arme de service au moment où il venait d’intercepter Mamadi III Fara Camara pour une infraction au Code de la sécurité routière en janvier dernier ; et les deux patrouilleurs qui ont été ciblés alors qu’ils sortaient du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), dans la nuit de lundi à mardi.

« On reçoit beaucoup de messages. Les policiers sont inquiets. La policière visée mardi m’a dit : ‟Quand tu sors d’un hôpital, tu ne t’attends pas à te faire tirer dessus”, d’autant plus que l’intervention, un simple transport en ambulance, était terminée et n’était pas violente. On trouve ça surprenant et très inquiétant », ajoute Yves Francœur.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Yves Francœur, président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal

Le chef syndical se risque à énumérer quelques facteurs qui pourraient expliquer ces attaques contre des représentants de l’ordre : les gens qui ont « la mèche très courte » en cette sortie de pandémie, après avoir été confinés durant plus d’un an, les policiers qui doivent néanmoins continuer de faire respecter les consignes sanitaires, l’affaire George Floyd aux États-Unis, qui a fait en sorte, selon lui, que les policiers sont davantage accusés de racisme et de profilage racial, et enfin, un « manque de soutien » de l’administration municipale, qui ferait en sorte « qu’il y a des gens qui deviennent plus effrontés au point de s’attaquer de façon fortuite et gratuite aux policiers », dit le président de la Fraternité.

« On trouve ça préoccupant », renchérit le président de l’Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ), Dominic Ricard. Selon lui, le nombre d’interventions en santé mentale, qui a « augmenté énormément » depuis la pandémie, pourrait être un autre facteur, tout comme les politiciens qui commentent rapidement et jugent le travail de la police à la suite d’une intervention, alors qu’ils n’ont pas le portrait complet de la situation.

« Les politiciens sont des figures d’autorité. S’ils ne respectent pas et jugent la police, sans avoir le fond de l’histoire, ça n’incite pas la population à avoir du respect pour la police », dit M. Ricard.

« Qu’on arrête de blâmer les policiers. On n’a qu’un bout de la vidéo, on ne connaît pas tous les éléments », relance le sénateur Jean-Guy Dagenais, ancien policier de la SQ et lui-même ex-président de l’APPQ.

« Pas de leadership »

Mardi soir, le chef du SPVM, Sylvain Caron, a senti la nécessité de sortir publiquement pour appuyer ses troupes à la suite des évènements du CUSM. Mais le chef n’a fait aucune annonce particulière. Yves Francœur martèle qu’il faudrait plus d’effectifs.

« Ça prendrait une réponse rapide, solide et coriace au phénomène, mais l’administration municipale ne donne pas les moyens au service de police de lancer un message que dans une société de droit et démocratique, on ne s’attaque pas aux policiers et on ne se tire pas partout dans les rues sans aucune préoccupation pour la santé et la sécurité des citoyens. »

Il n’y a pas de leadership actuellement en matière de sécurité publique à l’hôtel de ville de Montréal. Il y a une préoccupation purement électorale.

Yves Francœur, président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal

« Concrètement, on n’a pas plus d’effectifs. On agrandit toujours par l’intérieur, et l’annonce de la mairesse d’ajouter une dizaine d’effectifs de la SQ en soutien aux enquêtes, la majorité à la lutte au trafic d’armes, c’est un show de boucane. Les armes sont déjà dans les rues. Il faut sécuriser la population et nos policiers, qui sont forcés de rester en temps supplémentaire et sont épuisés, parce qu’il n’y a pas de personnel suffisant », accuse le chef syndical, qui affirme également que les policiers changent leur comportement au travail et se désengagent.

Dominic Ricard prône également l’ajout d’effectifs partout sur le territoire de la Sûreté du Québec, le déploiement de caméras corporelles et véhiculaires, un meilleur contrôle des frontières pour contrer le trafic des armes à feu et un renforcement des lois et des peines en matière de possession d’armes à feu prohibées.

« Lorsqu’on s’est attaqué aux bandes de motards, on a mis le Québec en entier dans la lutte. Je pense qu’on en est là pour le dossier des armes à feu. Si on veut réussir et gagner cette bataille-là, il va falloir que tous les services au Québec se sentent concernés et soient financés, parce que des armes à feu, il y en a partout au Québec actuellement », croit pour sa part François Lemay, président de la Fédération des policiers municipaux du Québec, qui ajoute que les nouvelles politiques d’interpellation sont également au cœur du problème.

« C’est rendu que les policiers doivent quasiment s’excuser d’intercepter et d’arrêter des gens. Tous ces éléments font en sorte qu’il s’est installé une espèce de gangrène qui fait que les gens n’ont pas peur des policiers et se tirent dans les rues. À Montréal, il n’y a pas une journée qui se passe sans qu’il n’y ait un coup de feu tiré dans une porte d’appartement. C’est le far west », déplore le sénateur Dagenais.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.