Tel qu'annoncé hier par La Presse, la couronne fédérale a abandonné ce matin les accusations de gangstérisme, trafic et importation de stupéfiants, possession d'armes, enlèvement et autres portées contre 36 individus arrêtés dans l'importante rafle antimafia Clemenza - suite de Colisée - en 2014, 2015 et 2016.

Attendue par une meute de journalistes à la sortie de la salle d'audience, la procureure de la couronne, Me Sabrina Delli'Fraine, n'a pas voulu donner de précisions sur les raisons de cette spectaculaire volte-face. Elle a parlé de l'ombre de l'arrêt Jordan, cette décision de la Cour suprême qui limite les délais des procédures, et n'a pas voulu s'avancer sur toute la question de la divulgation de la technologie sur laquelle repose la preuve, et qui a permis d'identifier les appareils de type BlackBerry des suspects et d'intercepter leurs messages textes cryptés durant l'enquête qui s'est déroulée en 2010 et 2011.

«Il s'agit d'une poursuite qui suscite des questions juridiques complexes et sans précédent. C'est un dossier sur lequel plusieurs policiers et procureurs ont travaillé durant des années. C'est une décision prise à la suite de longues réflexions», a déclaré Me Delli'Fraine, sans vouloir s'aventurer à utiliser ou non le mot déception.

Onze suspects, et non les moindres, qui ont été arrêtés lors de la dernière vague du projet Clemenza en mai 2016, sont toujours accusés.

Une autre bataille s'engage

À la fin de l'été dernier, la Défense a envoyé une lettre à la couronne lui demandant d'aller plus loin dans la divulgation de la preuve sur la technologie utilisée pour intercepter les communications des suspects. En principe, la couronne devait divulguer de nouveaux faits ce matin, mais elle a demandé un nouveau délai de deux mois.

«La divulgation a été reportée le 9 septembre, le 13 octobre, le 7 décembre, le 3 février et aujourd'hui, on reporte pour les mêmes raisons, parce que la couronne n'est pas prête. On veut être certain que cette fois-ci, le report est demandé pour les bonnes raisons et que l'on aura espoir d'obtenir ce que nous demandons. Deux mois, c'est long pour quelque chose dont la couronne est au courant depuis un jugement de la Cour supérieure rendu en 2015. Nous sommes dans une impasse et dans deux mois, on veut avoir une réponse», a prévenu le criminaliste Dominique Shoofey.

«Est-ce que nous pouvons avoir l'assurance que cette fois-ci, la couronne va remettre la divulgation», a renchéri son vétéran collègue, Me Joseph La Leggia.

«Nous envisageons être en mesure de divulguer quelque chose dans deux mois», a expliqué Me Delli Fraine aux journalistes.

La majeure partie de la preuve contre les 11 accusés de Clemenza restants a été recueillie avec l'aide de la même technologie que les autres libérés ce matin. La juge Renée Lori Weitzman de la Cour du Québec a reporté la cause au 23 mai prochain.

L'enquête Clemenza, menée par les enquêteurs de l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé (UMECO) de la Gendarmerie Royale du Canada est une suite de la fameuse rafle Colisée de 2006, et visait les clans de la mafia qui avaient commencé à émerger à la suite de l'affaiblissement du clan dominant des Rizzuto (Siciliens).

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