Ébranlées par l'arrestation récente de trois présumés pédophiles qui sévissaient dans leurs troupes, les organisations scoutes du Québec entendent agir rapidement. L'Association des scouts du Canada adoptera des  politiques de sélection de bénévoles plus sévères et l'Association des aventuriers de Baden-Powell a proposé hier au ministère de la Sécurité publique la création d'un registre central d'individus impliqués dans des organismes jeunesse.

« C'est toujours une catastrophe quand des bénévoles profitent de la confiance que nous accordent les jeunes et leurs parents pour les exploiter. Mais chaque fois, c'est une occasion de revoir nos politiques et de réfléchir à ce qu'on peut faire de plus », déclare Philippe Jacques, directeur des communications de l'Association des scouts du Canada, qui regroupe 16 000 membres, surtout au Québec.

Trois références

Depuis un an, l'Association des scouts du Canada travaille à l'implantation de nouvelles politiques en collaboration avec le Conseil canadien de protection de l'enfance. Quelque 5000 bénévoles, de 16 à 75 ans, sont impliqués dans l'association, en moyenne pendant trois ans. Le processus de sélection sera désormais plus rigoureux, souligne-t-on. La vérification de trois références deviendra obligatoire (ce qui ne se fait pas, à ce jour) et s'ajoutera aux mesures en vigueur, soit la vérification des antécédents judiciaires (que l'on répète tous les trois ans) et l'entrevue d'embauche.

« Nous avons constaté de notre propre chef qu'il fallait aller plus loin que la vérification d'antécédents. Bien qu'il y ait un certain roulement parmi les bénévoles, c'est une priorité de ne pas accepter n'importe qui », explique Myriam d'Auteuil, directrice du développement à l'Association des scouts du Canada.

« Nous nous assurons d'ailleurs d'avoir une définition de tâches précise afin de cibler des candidats dont les compétences correspondent aux besoins », explique Myriam d'Auteuil. Malgré tout, certains délinquants sexuels peuvent passer entre les mailles du filet, admet-elle.

Arrêté lors de l'opération Malaise la semaine dernière, Dave Turcotte a été bénévole pendant cinq ans pour l'Association des scouts du Canada, avant d'être expulsé. Il a raccompagné un jeune chez lui, seul dans sa voiture, comportement interdit par le code de conduite. « Il n'y a eu aucune plainte, mais on avait déjà quelques doutes quant à sa façon de s'approcher des jeunes », note Philippe Jacques, directeur des communications.

Une nouvelle formation

Pour aider les animateurs à être à l'affût, tous recevront une formation conçue avec le Conseil canadien de protection de l'enfance. « Dès les prochaines semaines et jusqu'à la fin de l'année, les bénévoles de tous les districts seront obligatoirement formés afin de déceler les comportements inappropriés, de comprendre les "patterns" des pédophiles, annonce Mme D'Auteuil. Bien que les pédophiles soient différents, leurs comportements sont similaires, sournois. C'est souvent des gens que tout le monde aime, on n'y croit pas. Il est d'autant plus important de sensibiliser les animateurs. » Les parents recevront également de la documentation, tandis que les enfants participeront à des ateliers de prévention. 

Des sanctions plus sévères

Déjà bonifié en septembre 2015, le code de conduite de l'Association des scouts du Canada sera amélioré. « Dès que l'on contrevient à un règlement, c'est tolérance zéro », indique le commissaire national Sylvain Fredette. Hier, il a été impossible d'obtenir des statistiques concernant les renvois liés au non-respect des règles sur les rapports entre adultes et jeunes.

Le code stipule notamment qu'il est interdit :

- de prendre en photo des enfants hors des activités (toute photo prise lors d'activités scoutes doit être transférée sur les appareils de l'association) 

- de communiquer avec les enfants hors du cadre de ses responsabilités (textos, Facebook, etc.) 

- de raconter une blague obscène à un enfant

- de le raccompagner seul chez lui sans autorisation, etc.

D'autres comportements, critiquables, n'entraînent pas automatiquement le renvoi. Dans ces cas, les sanctions seront plus fermes et les procédures de renvoi, plus claires. « Par exemple, si un animateur participe à une chaîne de massages avec les jeunes, c'est un comportement inapproprié qui sera consigné par son supérieur ou un autre animateur, explique Myriam D'Auteuil. L'animateur sera rencontré, on lui rappellera le code de conduite et, à défaut de changer son comportement, il sera suspendu du mouvement. »

Un fichier centralisé

Lors de leur arrestation, Dave Turcotte et Claude Paquette étaient aides-animateurs pour l'Association des aventuriers de Baden-Powell, à Beloeil et Outremont. Ils étaient en poste depuis quatre mois. « Nous exerçons la plus grande vigilance possible avec les moyens qu'on a, mais le risque zéro n'existe pas, indique Nicolas Rousseau, vice-président de l'AABP. Nous avons rencontré les parents. Ils savent qu'il n'y a pas eu de contacts sexuels, ils sont rassurés. Plus de 99,9 % des bénévoles sont là pour les bonnes raisons. » Le mouvement, qui prône un scoutisme traditionnel, compte près de 2000 membres (dont 300 bénévoles) à travers la province.

À l'AABP, on vérifie les antécédents judiciaires des bénévoles, on effectue des visites surprises dans les unités, on a un code de conduite associé à une formation. 

« La base est de ne jamais laisser un adulte seul en présence de jeunes. C'est une règle d'or », dit M. Rousseau.

Mais cette règle ne suffit pas toujours. 

Turcotte avait été impliqué dans trois groupes scouts avant d'être remercié et de se joindre à l'AABP. « On avait comme information de son supérieur qu'il y avait eu un conflit de personnalités avec d'autres adultes. Rien ne nous permettait de croire qu'il y avait danger », déplore M. Rousseau.

« Nous aimerions améliorer le processus de sélection, et pour cela, il faudrait favoriser la communication entre tous les organismes qui travaillent avec les jeunes. Si une personne s'est impliquée tour à tour dans six organismes en six ans, ça peut nous permettre de lever un drapeau jaune. Nous pensons qu'un fichier centralisé peut être une option qui nous permettrait de suivre la trajectoire des gens, et ce, même s'ils n'ont pas d'antécédents judiciaires. »