La peine de Lise Thibault doit être allégée parce qu'elle a été une «espèce de Robin des bois» des personnes handicapées en leur distribuant généreusement pas moins de 1,5 million dedollars, a plaidé son avocat, Marc Labelle, jeudi au palais de justice de Québec, aux observations sur la peine de l'ancienne lieutenante-gouverneure coupable de fraude.

L'avocat de la défense suggère d'ailleurs de récupérer 272 000 $ des fonds restants recueillis par la fondation de Lise Thibault pour rembourser l'État.

La Couronne exige un remboursement de 430 000 $, tandis que la défense réclame une peine de 12 mois dans la communauté et estime à 372 000 $ le montant maximal que pourrait redonner l'ancienne représentante de la reine.

Lise Thibault était présente dans la salle, vêtue d'une longue écharpe rouge, mais elle n'a pas témoigné, en raison de son état de santé, a justifié son avocat.

Me Labelle a attiré l'attention du juge Carol St-Cyr, de la Cour du Québec, sur plusieurs facteurs qu'il juge atténuants pour l'imposition de la peine.

Il a fait ressortir que sa cliente ne s'est pas enrichie personnellement en commettant les crimes qui lui sont reprochés, mais qu'elle a plutôt «commis des crimes pour que la société en bénéficie».

Il a reconnu qu'on lui reproche notamment des faits liés au travail de la fondation que Lise Thibault avait mise sur pied, afin de venir en aide aux personnes handicapées. Le personnel du cabinet de la lieutenante-gouverneure a en effet dû travailler indûment à l'organisation des activités de collecte de fonds.

Toutefois, l'avocat a repris l'évaluation d'un témoin qui estime à 1,5 million les sommes recueillies et versées par Lise Thibault et sa fondation. À ses yeux, elle était comparable à rien de moins que ce justicier légendaire de la forêt de Sherwood qui volait aux riches pour donner aux pauvres, Robin des bois.

«Elle a été une espèce de Robin des bois qui a distribué 1,5 million de dollars. (...) Elle a équipé 31 montagnes pour le ski assis (conçu pour les personnes handicapées). C'est rare, ça aussi c'est exceptionnel», a dit Me Labelle.

Il a soutenu que le juge avait devant lui une citoyenne de 76 ans qui a «toujours été impeccable», avec un «passé irréprochable».

«On ne peut avoir quelqu'un qui a contribué plus à la société, a dit l'avocat. C'est une femme religieuse. (...). Elle est sans tache, sauf dans cette période particulièrement fébrile de sa vie où elle a commis des délits.»

Me Labelle a donc demandé au juge de traiter ce «cas exceptionnel» sans imposer une peine exemplaire, parce que Lise Thibault a été en quelque sorte victime de son ardeur au travail et de la confusion entraînée par le changement des règles administratives liées au poste de lieutenant-gouverneur.

Si sa cliente s'est mise dans le pétrin, c'est parce que la charge exige des dépenses plus importantes que le financement versé par l'État, a-t-il déclaré.

«Les 10 ans de lieutenant-gouverneur l'ont ruinée, ils ne l'ont pas enrichie, a-t-il plaidé. Elle ne vivait pas dans le luxe. (...) La trop grande fébrilité dans l'exercice de ses fonctions a amené des dépenses trop lourdes qu'elle a financées illégalement. Elle a trop pris ça à coeur, elle en a trop fait.»

Autre facteur atténuant, de l'avis de Me Labelle: sa cliente a déjà été crucifiée sur la place publique et il n'y a pas matière à s'acharner davantage.

«Cela a été tellement exagéré. La crucifixion prolongée sur la place publique mène à l'atteinte à la réputation, a dit l'avocat. (...) Elle a fait rire d'elle dans toute la province pendant des années.»

De même, l'aveu de culpabilité en soi, même s'il a été obtenu sur le tard, équivaut pratiquement à des excuses publiques, a souligné le procureur de Lise Thibault.

Tout cela considéré, l'avocat a dit laisser à la discrétion du magistrat la fixation du montant à rembourser, qui va des 430 000 $ réclamés par la Couronne, aux 92 000 $ réclamés au civil par le gouvernement du Québec, en passant par moins de 250 000 $, selon les estimations du témoin de la défense, le conjoint de Lise Thibault, Réal Cloutier.

Et le juge doit tenir compte du fait qu'elle est déjà ruinée ou qu'elle le sera, en raison des avis de cotisation de plus de 1,4 million de dollars exigés par Revenu Québec et Revenu Canada, a ajouté l'avocat.

Jurisprudence à l'appui, Me Labelle a fait valoir que l'emprisonnement «doit être la dernière option» et que les travaux communautaires sont à écarter, en raison de l'état de santé de sa cliente.

Vendredi, ce sera au tour du procureur de la Couronne, Marcel Guimont, de faire ses observations sur la peine. Par la suite, le juge décidera en délibéré de la peine à imposer.

Lise Thibault avait reconnu sa culpabilité aux accusations de fraude et d'abus de confiance à l'encontre du gouvernement en décembre dernier, après d'interminables procédures judiciaires entamées depuis 2009. Les accusations de fabrication de faux documents ont été abandonnées.

Elle est passible de 14 ans de prison pour les crimes de fraude et de cinq ans pour abus de confiance.

Les procédures avaient été entamées à la suite du dépôt, en 2007, d'un rapport des vérificateurs généraux du Québec et du Canada exposant que Mme Thibault avait réclamé 700 000 $ de dépenses injustifiées.

Durant son mandat, l'ex-lieutenante-gouverneure avait fait des réclamations pour des voyages, des repas entre amis et avec sa famille, des cours de ski, de golf, et le transport, du Québec jusqu'en Floride, de voiturettes de golf spécialement adaptées.

Elle avait déjà évoqué sa condition de femme handicapée - elle est tétraplégique - pour justifier les frais reliés à ses déplacements, ses activités et sa sécurité.

Amorcé en avril dernier, le procès de Lise Thibault s'était interrompu brutalement l'été dernier, pour des raisons de santé, lors de son contre-interrogatoire.

Rappelons que Revenu Québec réclame aussi 808 000 $ à Lise Thibault, tandis que l'Agence de revenu du Canada exige pour sa part 676 000 $.