Le fait que l'ADN de Terrel Lloyd Smith et de Kyle Gabriel a été trouvé sur des objets rattachés à la tuerie du Flawnego, ne prouve pas qu'ils sont coupables. Il y a beaucoup de questions non répondues et il y a certainement place au doute raisonnable: c'est ce qu'ont fait valoir les avocats Marion Burelle et George Calaritis, alors qu'ils adressaient leurs plaidoiries finales au jury, jeudi et vendredi.

 Terrel Lloyd Smith, Kyle Gabriel et Carey Isaac Regis, sont accusés d'avoir tué avec préméditation deux hommes et d'avoir tenté d'en tuer deux autres à la boutique Flawnego, le 18 mars 2010.

La boutique Flawnego, située sur la rue St-Jacques dans le Vieux Montréal, appartenait au caïd Ducarme Joseph. C'est lui qui était visé, croit la police. Selon la preuve de la Couronne, deux tireurs déguisés sont entrés dans la boutique un peu après 13h30 le 18 mars 2010, et ont tiré sur les gens qui s'y trouvaient. Jean Gaston et Peter Christopoulos, respectivement oncle et garde du corps de Ducarme Joseph, ont été tués. Frédéric Louis et Alain Gagnon ont pour leur part été gravement blessés par balles, mais ont survécu. Le premier était le chauffeur de Ducarme Joseph, tandis que le second était un électricien qui effectuait des travaux dans la boutique.  Pour sa part, Ducarme Joseph n'a pas été blessé. On ignore en fait où il se trouvait au moment de la fusillade. La police pense qu'il était caché quelque part dans la boutique. Il a appelé le 9-1-1 dès après. 

Témoins oculaires

Après le carnage, les tireurs ont jeté leurs armes par terre dans le magasin et se sont enfuis à pieds, vers l'ouest. Ils ont abandonné leur déguisements plus loin, sur la rue, avant de monter dans un véhicule conduit par un troisième complice. Plusieurs témoins qui ont vu la fuite des tueurs allégués ont défilé à la barre pendant le procès.

Hier, Me Burelle a fait ressortir que les témoignages de ces témoins oculaires allaient «dans tous les sens.» Les évaluations de la grandeur des suspects, de même que leur habillement ou leur couleur de peau variaient souvent de l'un à l'autre. 

L'avocat s'est aussi attaqué à la preuve qui retrace les déplacements des accusés le jour des événements, grâce à leur téléphone cellulaire. Cette preuve de triangulation n'est pas fiable, estime Me Burelle, car elle suit des cartes SIM, et non des individus. On ignore qui avait le téléphone en main. 

L'ADN de Smith, ainsi que celui de sa petite amie, ont été trouvés sur le pistolet Ruger abandonné dans la boutique. Il y avait le sang d'une des victimes (Jean Gaston) sur cette arme. Il ne faut pas se laisser impressionner par une telle preuve, estime Me Burelle. Cela signifie simplement que l'ADN de son client a été contact avec cette arme à un certain moment, on ne sait pas quand, ni comment. Il y a peut-être une explication «innocente.» Qui sait, il pourrait y avoir eu contamination. Une scène de crime n'est pas un laboratoire aseptisé, a-t-il fait valoir.

 Kyle Gabriel

De son côté, Me George Calaritis a rappelé au jury que l'ADN de son client, Kyle Gabriel, n'avait été trouvé sur aucune des armes dans le magasin. Par contre, son ADN a été trouvé dans le col d'un manteau abandonné par un des tueurs allégués. Il y avait aussi du sang de Jean Gaston sur ce manteau. L'avocat minimise cette preuve. L'ADN de d'autres personnes a aussi été trouvé sur ce manteau.

Me Calaritis a aussi insisté sur le fait qu'aucune trace de sang n'avait été trouvée dans le véhicule que la Couronne désigne comme véhicule de fuite. Il s'agissait d'une Dodge Caravan louée environ deux heures avant le crime, et ramenée  toute de suite après. Les empreintes de Kyle Gabriel ont été trouvées sur ce véhicule, ce qui ne prouve rien, estime Me Calaritis. Sur toute la preuve il y a place au doute raisonnable, dit-il.

Me Franco Schiro, qui représente Carey Isaac Regis, a plaidé un peu plus tôt cette semaine. Il a émis l'hypothèse que Ducarme Joseph aurait pu être «complice» de cet attentat, plutôt que la cible. En suivant cette hypothèse, M. Joseph aurait donc participé à tuer son oncle, son garde du corps et tenté de tuer son chauffeur et l'électricien, en plein après-midi, dans son magasin qu'il était en train de rénover. 

La Couronne plaidera lundi. Le jury sera ensuite renvoyé et reviendra le mardi après Pâques. La juge Carol Cohen donnera alors ses directives, et le jury commencera enfin ses délibérations. Le procès, qui s'est ouvert devant le jury le 25 septembre dernier, devait durer environ deux mois. Il aura donc duré trois fois plus longtemps.