Le Bureau de la concurrence du Canada vient d'annoncer qu'il a mis au jour un cartel de services d'égout dans l'agglomération montréalaise. Des accusations criminelles ont été portées contre six entreprises et cinq individus pour truquage des offres.

Selon un communiqué publié par le Bureau, ces entreprises ont coordonné leurs offres afin de déterminer au préalable celles qui remporteraient les contrats municipaux et gouvernementaux de services de nettoyage et d'entretien d'égouts.

«Ce truquage d'offres a berné des fonctionnaires en leur laissant croire que leurs processus d'appel d'offres étaient concurrentiels», a indiqué Melanie Aitken, commissaire de la concurrence.

«En réalité, les accusés ont soumis pour la forme des offres conçues pour faire en sorte qu'une entreprise prédéterminée décroche les contrats. Le truquage a permis de contourner délibérément des exigences visant à protéger l'argent des contribuables dans le cadre du processus d'approvisionnement gouvernemental.»

Les entreprises accusées sont, par ordre décroissant d'importance des contrats, Kelly Sani-Vac, Chalifoux Sani Laurentides, MSC Réhabilitation, Colmatec Groupe Esthétix et Canalisation Nord-Américaine.

MSC Réhabilitation a plaidé coupable, mardi, devant la Cour supérieure du Québec, à Montréal, d'avoir truqué des offres en réponse à 12 appels d'offres lancés par diverses municipalités. MSC Réhabilitation a écopé d'une amende de 75 000$ et s'est vu imposer une ordonnance judiciaire de trois ans.

C'est une entreprise, que le communiqué ne nomme pas, qui a alerté le Bureau de la concurrence. Elle s'est prévalue du programme d'immunité: un membre d'un cartel qui dénonce l'organisation peut alors espérer ne pas être accusé ou, du moins, subir des sanctions atténuées. Un autre concurrent a coopéré à l'enquête en bénéficiant du programme de clémence.

Le Bureau a commencé à enquêter pendant l'été 2009. Ses agents ont perquisitionné à six endroits, saisi des milliers de documents et interrogé de nombreux témoins.

Les entreprises se partageaient les contrats à tour de rôle. Elles réservaient ainsi un contrat pour l'un des membres du cartel; les autres membres soumettaient ensuite des offres exagérées pour s'assurer que le contrat serait accordé à l'entreprise choisie. En apparence, le processus d'appel d'offres avait été respecté.

Les sommes en cause ne sont pas très élevées: la valeur des 37 appels d'offres analysés par le Bureau de la concurrence en 2008 et en 2009 s'élève à 3,3 millions. Les contrats truqués ont été accordés par le ministère des Transports et diverses municipalités. La moitié l'a été à Montréal; les autres en Montérégie, dans Lanaudière, dans les Laurentides, en Estrie et dans le Nord-du-Québec.

Les individus accusés sont Daniel Kelly, Michel Chalifoux, Rénald Drouin, Sylvain Deschamps et Pasquale Salvo.

«Des études récentes semblent indiquer que le truquage d'offres entraîne généralement une augmentation du prix des produits et services d'environ 20%, laquelle augmentation est refilée en bout de ligne à la population, qu'il s'agisse de projets du gouvernement ou de projets du secteur privé», souligne le Bureau de la concurrence dans son communiqué.

Les enquêtes sur la collusion sont très difficiles à réaliser. Il faut souvent qu'un des membres accepte de dénoncer le cartel. La collusion est interdite en vertu du Code criminel, ce qui en fait une infraction à une loi fédérale. Le Bureau de la concurrence du Canada dispose de moyens importants - notamment le droit de faire de l'écoute électronique -, mais jusqu'à maintenant, ses enquêtes n'ont pas mené à beaucoup de condamnations contre des acteurs importants du secteur de la construction et des travaux publics au Québec.

-Cet article est basé sur un communiqué du Bureau de la concurrence, que l'on peut lire en cliquant ici.