En 2004, des militaires congolais ont commis un massacre à Kilwa, ville de la République démocratique du Congo passée aux mains d'un groupe rebelle. Plus de 70 personnes auraient péri, dont plusieurs civils.

Six ans plus tard, les victimes collatérales de cette tragédie cherchent à obtenir justice. Et c'est au Canada qu'elles ont décidé de s'adresser.

Une association canadienne qui représente des citoyens congolais a demandé hier à la Cour supérieure l'autorisation d'exercer un recours collectif à Montréal contre Anvil Mining, société minière australo-canadienne.

Dans sa requête, l'Association canadienne contre l'impunité (ACCI) soutient qu'Anvil Mining s'est rendue «complice» des crimes commis à Kilwa en prêtant des camions aux Forces armées de la République démocratique du Congo (RDC).

«Sans l'appui d'une entreprise canadienne, le massacre n'aurait pas été commis d'une façon aussi violente et avec des conséquences aussi graves», a soutenu hier la présidente de l'Association, Tricia Feeney, au cours d'une conférence de presse à Montréal.

L'ACCI a été mise sur pied à l'initiative d'organisations non gouvernementales canadiennes, internationales et congolaises.

Les faits

Les faits se sont déroulés au mois d'octobre 2004. À l'époque, Anvil Mining exploitait une mine de cuivre dans la région de Kilwa, ville de 35 000 habitants située dans le sud-est du pays.

Le 14 octobre, un petit groupe rebelle s'est emparé de Kilwa.

Selon l'ACCI, l'insurrection «représentait potentiellement un danger pour la survie même de la compagnie», car Anvil Mining faisait transiter son minerai par le port de Kilwa.

Le lendemain, les militaires congolais sont arrivés à Kilwa à bord de camions de la société minière.

Des camions suspects

Selon un rapport des Nations unies, plus de 70 personnes auraient trouvé la mort, dont 28 auraient été exécutées sommairement.

Des témoins auraient affirmé à l'ONU que les camions ont aussi servi à transporter des cadavres et des biens pillés, ce qu'a nié la firme.

Anvil Mining a admis en 2005 avoir prêté des camions à l'armée. Ses dirigeants ont toutefois soutenu qu'ils n'avaient pas le choix d'obtempérer, car la demande provenait du gouvernement congolais.

Le Canada, la seule issue

En 2007, trois employés expatriés d'Anvil Mining, dont un québécois, ont eu un procès en République démocratique du Congo.

Ils ont tous été acquittés. Dans le rapport Mapping, rendu public le mois dernier, les Nations unies ont déploré le «manque d'impartialité et d'indépendance» de la Cour militaire de la République démocratique du Congo dans cette affaire.

Des poursuites ont également été intentées en Australie, où se trouve le siège social d'Anvil Mining. Le cabinet d'avocats au dossier se serait désisté.

«Pour les victimes, le Canada est la seule issue», a déclaré hier Alfred Lukhanda, représentant montréalais de l'Association africaine de défense des droits de l'homme.

Le vice-président des relations avec les investisseurs d'Anvil Mining, Robert La Vallière, n'a pas souhaité commenter la requête, hier, et s'est rabattu sur le communiqué publié par la société en 2007.

Deux employés travaillent au bureau montréalais d'Anvil Mining.