Les enquêteurs de l'opération Marteau, qui relèvent de la Sûreté du Québec, ont arrêté hier l'ancien maire d'Outremont, Stéphane Harbour, ainsi que Yves Mailhot, ancien directeur général de cet arrondissement, et Jean-Claude Patenaude, ancien attaché politique de M. Harbour et ex-directeur adjoint de l'arrondissement.

Une série de chefs d'accusation seront bientôt déposés contre les trois hommes pour fraude, abus de confiance relativement aux fonctions de leur charge, fabrication de faux documents, faux comptes de frais et fausses factures. Neuf chefs d'accusations seront portés contre Harbour, 51 ans, 10 contre Mailhot, 58 ans, et 13 contre Patenaude, 64 ans.

Ils ont été tous les trois arrêtés hier matin et amenés au quartier général de la SQ. Ils ont été libérés sous la promesse de comparaître au palais de justice de Montréal le 6 mai prochain. L'enquête s'est amorcée à la suite d'une plainte d'une conseillère municipale, indique un communiqué de la SQ émis hier après-midi, sans donner de nom. Les faits reprochés se seraient produits entre janvier 2005 et octobre 2007.

Le 9 octobre 2007, des rapports de la firme comptable KPMG et du cabinet d'avocats Fasken Martineau avaient confirmé les informations révélées par des citoyens et des médias, notamment La Presse. Le maire Harbour était blâmé pour avoir fait usage de prête-nom afin de se faire rembourser des cours d'anglais privés et des frais de repas. Il était aussi indiqué que le maire avait effectué d'importants achats d'alcool.

L'année précédente, Mailhot s'était fait rembourser un compte de frais de plus de 14 600$, alors qu'il avait droit à 4000$ par année. Patenaude s'était fait rembourser des dépenses de plus de 18 000$, alors qu'il n'avait droit qu'à 2500$.

Les documents d'embauche de Patenaude «auraient été antidatés, ce qui a pour effet de masquer la séquence réelle des événements entourant leur conclusion», écrivait le rapport de Fasken Martineau. «Dans certains cas, cette façon de procéder aurait eu pour effet de conférer rétroactivement des avantages à Jean-Claude Patenaude auxquels il n'aurait pas autrement eu droit.»

Stéphane Harbour était membre du parti du maire Gérald Tremblay, l'Union des citoyens de l'île de Montréal, devenu par la suite Union Montréal. Dès la publication des rapports de KPMG et de Fasken Martineau, M. Tremblay l'avait chassé du caucus, mais Harbour n'avait pas immédiatement démissionné.

Plainte à la police

Noushig Eloyan, alors conseillère municipale et chef de l'opposition officielle à l'hôtel de ville au sein du parti Vision Montréal, avait porté plainte à la police. «Stéphane Harbour a lui-même admis certains faits concernant sa propre utilisation de prête-noms afin de se faire rembourser des frais auxquels il savait ne pas avoir droit», écrivait Mme Eloyan au directeur de la police de la Ville de Montréal, Yvan Delorme.

«L'ensemble de ces rapports (de KPMG et de Fasken Martineau), admissions et allégations publiques, nous fait croire qu'il y aurait eu commission d'un ou des actes en infraction avec les parties IX et X du Code criminel du Canada, et que la victime serait l'ensemble des citoyens de Montréal qui auraient été floués», ajoutait Mme Eloyan. M. Delorme avait transmis le dossier à la SQ.

Le cabinet du maire de Montréal, Gérald Tremblay, a toutefois assuré, hier, que c'est lui-même et son parti qui ont pris l'initiative de faire enquête sur les allégations d'irrégularités. «Dès que le maire a été informé par Marie Cinq-Mars (alors simple conseillère municipale au sein de sa formation politique à Outremont), en juin 2007, le maire avait demandé au directeur général de la Ville de faire des vérifications administratives», a dit hier Bernard Larin, attaché de presse du comité exécutif.

«Le maire a ensuite demandé au directeur général d'envoyer les rapports de KPMG et de Fasken Martineau au ministère des Affaires municipales», a ajouté M. Larin. Le ministère avait ensuite transmis ces rapports au procureur général.

Louise Harel, chef de Vision Montréal et nouvelle chef de l'opposition officielle, a soutenu hier que le maire Tremblay tentait de prendre un crédit qui ne lui revenait pas. «C'est Noushig Eloyan qui a contacté la police, a-t-elle dit. Devant le fait accompli et toutes les dénonciations, le maire ne pouvait plus cautionner les agissements de Stéphane Harbour.» Mme Harel a profité de l'occasion pour réclamer l'embauche d'un commissaire à l'éthique.

Autre enquête

Par ailleurs, la SQ enquête depuis deux ans sur les dépassements de coûts dans la construction du Centre intergénérationnel d'Outremont, un centre communautaire comprenant notamment un gymnase et des salles de loisirs, notamment pour personnes âgées. Au départ, les coûts devaient s'élever à 6,6 millions, mais ils ont rapidement doublé. La SQ a effectué une importante perquisition, en mai dernier, pour saisir les documents relatifs à ce projet.

L'escouade Marteau a été formée pour enquêter sur des cas de collusion et de construction dans le domaine de la construction et le monde municipal. C'est la deuxième fois que l'escouade procède à une arrestation. La semaine dernière, elle a arrêté un ancien fonctionnaire de la ville de Beaconsfield, soupçonné d'avoir accepté un pot-de-vin d'un fournisseur.