La frontière entre les États-Unis et le Canada pourrait-elle un jour être séparée par un interminable mur de 8891 kilomètres? Le candidat à l'investiture républicaine Scott Walker a lancé ce pavé dans la mare dimanche en affirmant que cette idée mériterait d'être examinée.

Désastre commercial, hausse du racisme, relations diplomatiques envenimées: toutes les raisons sont bonnes pour s'opposer à ce projet «ridicule» et «farfelu», selon les intervenants interrogés par La Presse.

Lors d'une entrevue à l'émission politique Meet the Press, sur la chaîne NBC, le gouverneur du Wisconsin, qui prône la ligne dure avec les migrants illégaux, s'est fait demander s'il envisageait d'ériger un mur entre les États-Unis et le Canada. L'aspirant président a alors expliqué que des policiers du New Hampshire avaient soulevé des «inquiétudes légitimes» sur cette question lors d'une assemblée locale, il y a quelques jours. «Il s'agit donc d'un problème légitime à considérer», a-t-il ajouté. Interrogé à ce sujet dimanche en conférence de presse, le ministre de la Défense du Canada Jason Kenney a déclaré «s'opposer vigoureusement à tout durcissement de la frontière».

Exacerber les tensions

Le maire de la ville frontalière de Lacolle est catégorique: la construction d'un mur entre le Canada et les États-Unis serait «absolument inutile et farfelu». «À l'image du mur de Berlin, je ne vois pas pourquoi un mur serait érigé entre les États-Unis et le Canada. La frontière est à l'heure actuelle très bien protégée», soutient Roland Luc Béliveau, qui craint par ailleurs qu'une telle barrière contribue à exacerber les tensions raciales.

À la chambre de commerce du Canada, on critique la proposition «très curieuse» de Scott Walker, considérant qu'il dirige un État limitrophe avec le Canada. «M. Walker devrait probablement demander aux 158 000 employés qui dépendent directement des investissements, du tourisme et du commerce avec le Canada ce qu'ils en pensent avant de prendre position», indique Guillaum Dubreuil, directeur des affaires publiques. Si le candidat maintient cette promesse, la chambre de commerce du Canada ne doute pas que le gouvernement canadien et les entreprises d'ici comme aux États-Unis feront tout «pour lui faire comprendre que cette idée-là n'est pas viable».

Un discours récurrent

Les candidats du Parti républicain promettent habituellement de durcir la frontière mexicano-américaine. Toutefois, il n'est pas rare que la frontière nordique se retrouve sous les projecteurs, explique la chercheuse à l'Observatoire sur les États-Unis de l'UQAM Élisabeth Vallet. «Le mur canado-américain, c'est un discours récurrent dans la politique américaine, alors ça n'a rien de nouveau. Il y a quatre ans, c'était [le candidat républicain] Herman Cain qui avait mentionné de construire un mur au côté nord.»

Même si l'idée d'ériger un tel mur demeure «anecdotique et plutôt ridicule», la spécialiste des murs frontaliers n'exclut pas totalement cette possibilité. «Si les astres s'alignent dans le mauvais sens pour nous, c'est tout à faire envisageable que la frontière se durcisse. Elle est déjà beaucoup plus dure que tout ce qu'on connaissait avant le 11-Septembre.»

Selon la directrice scientifique à la Chaire Raoul-Dandurand, les résultats de Scott Walker dans les prochains sondages détermineront l'avenir de cette idée dans la campagne présidentielle. «Walker est connu pour faire des gaffes et se dédire régulièrement. C'est quelqu'un qui s'est positionné de manière très radicale, mais qui essaie surtout de trouver une niche par rapport à [Donald] Trump», analyse-t-elle. Le meneur actuel de la course à l'investiture républicaine, Donald Trump, a promis d'expulser les 11 millions d'immigrés illégaux aux États-Unis.