Le long des plages et des falaises de l'île de Jeju, les flots tumultueux de la mer de Chine sont constellés de bouées orange, visibles dans chaque baie entre les sombres rochers volcaniques aux arêtes acérées. Près de chaque bouée, une tête apparaît et disparaît au rythme des plongées.

Bientôt, les bouées seront rapportées sur le rivage, lestées de filets pleins à craquer de coquillages, mollusques, algues, pieuvres et autres créatures des fonds marins. Et les sirènes émergeront de l'océan, après avoir passé des heures à plonger en apnée, perpétuant une tradition vieille de 400 ans.

De bien improbables sirènes, très différentes de celles des contes de fées : vêtues de combinaisons isothermes défraîchies, des poids de plomb à la taille, un masque rond devant les yeux et affichant un âge vénérable.

Les haenyeo de Jeju, les pêcheuses de fruits de mer, ne sont pas aussi rares que les sirènes, mais elles sont tout de même en voie de disparition : en raison du manque de relève, la majorité a plus de 50 ans. Certaines d'entre elles, à 80 ans passés, plongent encore de longues heures dans la mer glaciale, parfois à 20 mètres de profondeur, retenant leur souffle jusqu'à deux minutes.

Alors que l'île comptait 14 000 pêcheuses dans les années 70, elles seraient moins de 5000 aujourd'hui.

Les jeunes femmes, plus éduquées qu'autrefois, ne veulent plus s'astreindre à un tel labeur.

Avant que les pêcheuses ne s'en retournent chez elles, dans l'après-midi, sur leur scooter à trois roues garé près du rivage, les visiteurs peuvent négocier avec elles l'achat d'un mollusque ou d'un poulpe vivant, à déguster cru sur la rive, ses tentacules encore gigotants, selon la tradition coréenne.

Ou alors, on peut attendre de goûter leur récolte dans l'un des nombreux restaurants de fruits de mer, qui les servent mijotés dans une marmite, sur un réchaud installé directement sur la table.

Outre les poulpes, les haenyeo pêchent des ormeaux (ou oreilles de mer, un mollusque à une seule coquille), moules, oursins, crevettes, poulpes, crabes, algues, palourdes, concombres de mer, seiches et anguilles, entre autres. 

« MERVEILLE DE LA NATURE »

L'île de Jeju, à l'extrême sud de la péninsule coréenne, se trouve depuis 2011 sur la liste des sept nouvelles merveilles de la nature, désignées à la suite d'un vote par internet, avec des endroits comme l'Amazonie et la baie d'Ha Long, au Viêtnam.

Dominée par le volcan Hallasan, le plus haut sommet du pays, Jeju-Do mise justement sur ses attraits naturels pour attirer les visiteurs : plus de 300 volcans, de longues plages, des formations rocheuses étonnantes, des chutes, etc.

Mais les paysages spectaculaires sont parfois gâchés par un développement industriel anarchique : des éoliennes, centrales nucléaires et bassins de pisciculture dénaturent le littoral à certains endroits.

Ou alors, ce sont des attractions d'un goût douteux : Musée des oursons, Musée Hello Kitty, Musée de l'Afrique, ou plusieurs parcs de sculptures avec des thématiques érotiques, populaires auprès des nombreux couples en lune de miel, reconnaissables à leurs vêtements coordonnés.

L'île a obtenu le statut de province spéciale autonome il y a 10 ans, et le développement touristique a explosé depuis. Elle est populaire auprès des touristes chinois, qui représentaient environ le quart des 13 millions de visiteurs en 2014. Jeju se trouve à seulement une heure de vol de Shanghai et n'exige pas de visa des étrangers, contrairement au reste de la Corée du Sud, ce qui explique cet engouement.