Vous avez mangé du kimchi, vous avez écouté de la K-pop et vous vous êtes prosterné devant Bouddha dans un temple? Très bien. Mais pour vraiment découvrir la culture coréenne, il faut aussi accepter de se mettre à poil, nu comme un ver, pour se prêter à l'une des activités sociales les plus prisées des Coréens: le bain public.

«Toi, allez, c'est ton tour, dépêche-toi!»

Enfin, j'imagine que c'est à peu près ce que m'a lancé le petit bout de femme qui allait s'acharner sur moi pendant les 30 prochaines minutes. Ma connaissance du coréen est aussi limitée que la sienne de l'anglais, mais j'ai vite compris qu'il valait mieux que je sorte du bain à remous pour m'allonger sagement sur la table si je voulais avoir droit au traitement d'exfoliation du corps demandé (sur la recommandation d'habituées, faut-il préciser!). D'autres étaient déjà prêtes à prendre ma place.

C'était lundi, l'un des jours les plus tranquilles au Dragon Hill Spa, et pourtant, pas un seul bain, pas un seul sauna n'était vide. «Nous adorons aller dans les bains publics, m'a fait remarquer plus tôt Lucy Cheon, jeune et jolie réceptionniste d'un grand hôtel de Séoul, en nous suggérant sa liste d'endroits favoris. On y va souvent, entre amis ou en famille, les hommes comme les femmes.»

Ceci explique en partie cela: la plus grande différence entre les spas de la Corée - appelés ici jimjilbang - et ceux du Québec se constate dès l'entrée, avec des droits d'accès oscillant généralement autour de 10$, soit une fraction des prix facturés en Amérique du Nord. Et les prestations n'en sont pas moins intéressantes pour autant, bien au contraire.

Le Dragon Hill Spa, par exemple (12$ en semaine, 13$ les week-ends), n'accapare rien de moins que les sept étages d'un immeuble voisin de la gare de Séoul. L'entrée inclut l'accès à une dizaine de bains chauds et froids, à remous, intérieurs et extérieurs, à des saunas secs et humides, les produits pour la douche, et bien plus encore.

Les visiteurs reçoivent à l'entrée un short et un t-shirt de coton pour leurs déplacements dans les aires «sèches» de ces complexes récréatifs à part entière, souvent dotés d'une terrasse sur le toit, de restaurants, de salles de jeux vidéo ou de relaxation communes. A contrario, le secteur «humide» des spas est interdit aux vêtus, même en maillot de bain. Pour éviter les rencontres inappropriées des unes en costume d'Ève avec les autres en costume d'Adam, les bains des hommes et des femmes sont donc strictement séparés, à des étages distincts.

La douche avant tout

Après avoir abandonné ses vêtements dans un casier, le premier arrêt obligatoire est la douche. Plusieurs femmes transportent dans un petit sac en toile ou un bac de plastique leur vaste attirail de beauté. Elles se savonnent vigoureusement, se brossent les dents et s'exfolient, assises sur un petit banc, la douche téléphone dans la main.

Après, c'est la ronde des bains qui les occupent, l'alternance du chaud et du froid, les cuves parfumées au ginseng ou encore le sauna au sel, les bains intérieurs et extérieurs, même quand il pleut. Les femmes discutent, on imagine qu'elles se racontent grands bonheurs et petits malheurs, et inversement. Elles rient. Mais surtout, elles ne se formalisent pas de voir des étrangères parmi elles, ou alors elles ne le montrent pas.

Plusieurs en profitent pour s'offrir un traitement chouchou: l'exfoliation du corps. C'est là que, allongée sur un lit recouvert d'une épaisse toile de plastique (plus facile à nettoyer à grande eau savonneuse entre chaque soin), la cliente est frottée - pour ne pas dire récurée! - par l'une des esthéticiennes, vêtue de son uniforme d'usage, une culotte à fleurs et un soutien-gorge de dentelle noire taillés de telle manière qu'il enlèverait tout charme à Penélope Cruz. Du gros orteil au creux de l'aisselle, pas un centimètre de peau n'échappera au gommage énergique à pleines mains: une fois, deux fois, trois fois, avec nettoyage à grands seaux d'eau chaude entre chaque étape, pour finir par un nettoyage tout de même un peu plus délicat du cuir chevelu. Après 30 minutes de ce régime à pleins gaz, une petite tape sur l'épaule sonne la fin du traitement. A-t-on déjà été aussi propre?

«J'aime bien venir après être sorti dans les bars, ça permet d'évacuer les toxines accumulées pendant la soirée», avoue Joe McPherson, un Américain installé à Séoul depuis plus de 10 ans, initié au rituel par ses amis coréens. Il faut dire qu'on n'a jamais à chercher bien loin pour «se payer la traite»: dans les centres commerciaux, près des gares, dans les hôtels, les spas sont partout, et jamais bien loin d'un métro. Ils sont ouverts 24 heures, 7 jours sur 7, et on peut même y passer la nuit à prix mini (dans les salles de repos communes, avec les traditionnels planchers chauffants coréens!), une option à retenir si l'on doit prendre l'avion très tôt le matin.

Le culte de la beauté

Skin Food, Innisfree, Olive Young, THEFACESHOP: il suffit de franchir quelques pas dans une artère commerciale de Séoul pour constater l'importance des soins de beauté, en plus de ceux portés au corps, pour les femmes de Séoul. Avec des achats de cosmétiques totalisant en moyenne de 140$ CAN par année (2010, données du département américain du Commerce), les Coréennes se classent parmi les plus dépensières du globe, à égalité avec les Françaises ou les Américaines. Les marques locales tirent bien leur épingle du jeu, avec des prix modérés : les touristes y verront peut-être une occasion de faire de bonnes affaires... et surtout bien des découvertes ! Masque au chou rouge ou à la carotte, crème pour les mains à la tomate, sérum à l'escargot... tout semble bon pour être la plus belle!

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE