Gardée par près de 1 million de soldats, la DMZ (de l'anglais «demilitarized zone») est l'un des derniers vestiges de la Guerre froide. C'est là où la Corée du Sud capitaliste fait face à sa voisine communiste.

Ce «no man's land» large de 4 km, qui court tout le long de la frontière, sur 241 km, a été établi en 1953 après la signature de l'armistice qui a mis un terme à la guerre de Corée. Si les deux pays ont alors décrété un cessez-le-feu, ils sont techniquement toujours en guerre, comme en témoigne l'interminable clôture de fil barbelé et les nombreux miradors qui bordent l'autoroute reliant Séoul à la DMZ.

De part et d'autre de la ligne de démarcation militaire - la frontière entre les deux pays- , soldats nord-coréens, sud-coréens et américains se regardent en chiens de faïence. À côté d'eux, des touristes canadiens, américains et européens mitraillent l'endroit avec leur caméra. Une scène étrange qui reflète le lieu de contradictions qu'est aujourd'hui devenue la DMZ.

Au cours des dernières années, le gouvernement sud-coréen a multiplié les efforts pour faire de la zone démilitarisée un haut lieu du tourisme. Le site, situé à une soixantaine de kilomètres de Séoul, est devenu un incontournable pour plusieurs touristes en visite dans la capitale sud-coréenne, et ce, au grand bonheur des marchands de souvenirs qui ont essaimé dans toute la zone. «Nous ne passons que quelques jours en Corée, mais nous voulions absolument venir voir ce lieu chargé d'histoire», affirme un jeune touriste américain rencontré dans la DMZ.

La demande étant très forte, il faut réserver plusieurs jours à l'avance pour pouvoir prendre part à la visite qui permet de pénétrer à l'intérieur de la DMZ, soit dans le village de Panmunjom, et de visiter la Joint Security Area (JSA). La JSA est le seul endroit de la DMZ où les deux Corées se font face. Ailleurs, dans la zone, il n'y a pas de présence militaire. C'est aussi là que peuvent avoir lieu des discussions entre les deux pays, dans une petite baraque bleue qu'il est souvent possible de visiter et dans laquelle on peut passer, d'un pas, du Sud au Nord.

Des consignes strictes

À l'intérieur de la JSA, les consignes sont strictes. Il y a un code vestimentaire et des règles de conduite à respecter. Surtout ne pas s'écarter du groupe puisque plusieurs endroits sont minés. Notre guide insiste également sur l'importance de ne pas pointer en direction des soldats nord-coréens, un geste banal en apparence qui pourrait avoir de graves conséquences. Tous les visiteurs doivent signer un document stipulant que «visiter la JSA nécessite de pénétrer en territoire hostile et que des blessures ou la mort peuvent être une conséquence directe d'une action posée par l'ennemi».

La prise de photos est minutée et n'est autorisée qu'à certains endroits. Les téléobjectifs sont interdits partout. «Vous pouvez photographier les Nord-Coréens, parce qu'eux vous photographient», lance le soldat américain qui guide le groupe à l'intérieur de la JSA. Quand il n'y a pas de visiteurs, les soldats restent en effet à l'abri des regards, à l'intérieur de l'austère bâtiment de béton qui fait face au sud.

Près de 100 000 personnes visitent chaque année la JSA, la grande majorité du côté de la Corée du Sud. L'accès à la zone peut être fermée aux touristes quand la tension monte entre les deux parties. Il est difficile de savoir si des incidents, même mineurs, impliquant des touristes se sont déjà produits. Les agences de voyages que nous avons contactées ont refusé de nous accorder une entrevue.

À l'extérieur de la zone démilitarisée, quelques sites sont également ouverts aux visiteurs, dont un tunnel creusé par la Corée du Nord, une station de train qui était jadis le dernier arrêt d'un voyage vers le Nord et l'observatoire Dora d'où l'on peut, lorsque le temps est clair, jeter un coup d'oeil sur l'un des pays les plus fermés de la planète. «C'est comme si vous regardiez un pays qui a raté 40 ou 50 ans de progrès», a constaté le président américain Barack Obama lors de sa première visite de la DMZ en mars dernier.

Cette image de conflit et de tension que projette la zone agace un peu le gouvernement sud-coréen. Dans un effort pour redorer la réputation de l'endroit, il a, plus tôt cette année, annoncé son intention d'en faire un lieu réputé d'écotourisme. L'accès à la DMZ et ses environs ayant été restreint au grand public pendant plus de 50 ans, l'endroit serait devenu, selon des environnementalistes, un sanctuaire pour de nombreuses espèces animales. Le ministère sud-coréen de l'Environnement prévoit y aménager des sentiers accessibles aux touristes. Il sera toutefois difficile de faire oublier aux randonneurs les kilomètres de barbelés qui courent le long du site.