C'est parfois dans les recoins les plus obscurs que se blottissent les plus éblouissants monuments. Les grottes de Yungang, dans le nord-est de la Chine, l'illustrent parfaitement, regroupant une ribambelle d'impressionnantes statues bouddhiques nichées dans le roc.Avant d'accéder à ce lieu classé en 2001 au patrimoine mondial de l'UNESCO, il est presque inévitable de faire étape dans la métropole de Datong, à quatre heures de route de Pékin. Naguère éphémère capitale de l'ancienne Chine septentrionale, striée de néons et ceinturée de centrales nucléaires, elle cache très bien son va-tout touristique.

Car c'est à une quinzaine de kilomètres du centre-ville que se dressent des falaises sacrées, rares reliques de son passé. Dans une Chine rompue aux excès industriels et économiques, les chiffres ne perdent rien de leur démesure : on y trouve 51 000 statues réparties dans plus de 250 grottes, toutes sculptées au Ve siècle. Ces oeuvres d'art sont aussi directement liées à l'élévation du bouddhisme comme religion d'État, le hissant pour la première fois au même rang que le taoïsme et le confucianisme.

À première vue, les grottes de Yungang ne provoquent pas sur le visiteur le même impact visuel dont peuvent se targuer un Sphinx ou un Taj Mahal. Dans ce gruyère de pierres, on distingue d'abord quelques menues niches, d'où émergent une poignée de statuettes, au visage rendu anonyme par l'érosion.

Puis se présentent d'autres ouvertures, plus sombres, tunnels dans lesquels on s'engouffre pour tomber nez à nez - ou plutôt : nez à pieds ! - avec un premier bouddha gigantesque, comme surgi des rochers, au corps gracieusement éclairé par le filet de lumière filtrant dans les lieux. Une telle masse confinée dans cette caverne close renforce l'impression de massivité. On en reste coi !

À peine le premier choc absorbé, d'autres grottes vous aspirent et vous inspirent l'émerveillement. La fascination ne vient pas seulement de la taille éléphantesque de certaines statues (l'une d'elles atteint 17 mètres), mais aussi du raffinement de ces dizaines de bouddhas couvrant des galeries entières, accolés les uns aux autres, aux couleurs remarquablement bien préservées et aux traits d'une ravissante finesse.

On y distingue également un intéressant florilège d'influences, mêlant art chinois, traits indiens et techniques persanes, colportées par les voyageurs au fil de la route de la soie.

Autrefois couvertes de temples en bois, les façades des cavernes ont aujourd'hui disparu, laissant apparaître, au gré d'orifices creusés par le temps, quelques visages énigmatiques de ces géants de roc.

En bout de parcours, le clou : la paroi de la grotte numéro 20 s'étant intégralement effondrée, elle a mis à nu deux bouddhas symbolisant passé, présent et futur - ironiquement, l'un d'eux a succombé au passage des siècles.

Leur majesté, leur histoire, leur préservation :  tous ces atouts font des bouddhas de Yungang une étape à ne pas bouder depuis Pékin ou lors d'un trajet vers (ou depuis) Xian.

À voir et à savoir

• Sur les 252 grottes du site, seulement une vingtaine sont ouvertes au public, pour cause de rénovation ou de préservation. Heureusement, il s'agit des plus impressionnantes.

• Juste avant d'arriver aux grottes, on peut voir le vaste temple de Ling Yan, où les dévots s'adonnent aux prières. Il s'avère très beau quand il se reflète dans les eaux qui le cernent.

• Le monastère suspendu de Xuan Kong

Habituellement couplé à la visite des grottes, ce monastère singulier du VIe siècle donne l'illusion d'être collé comme par magie à même une immense falaise. Situé à 60 km de Datong.

• Sur la route de la Grande Muraille

En venant de Pékin par autocar, scrutez l'horizon nord : la fameuse épine dorsale chinoise y fera des apparitions au sommet des montagnes. Majestueux !

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Au début de la visite, on ne distingue qu’une poignée de statuettes au visage érodé. Mais rapidement, on découvre, cachées dans des grottes et tunnels, des sculptures aux proportions impressionnantes.

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La fascination qu’exerce le lieu vient aussi du raffinement des bouddhas, aux couleurs bien préservées et aux traits d’une grande finesse.