Avertissement : la bibliothèque d’Haruki Murakami à Tokyo porte mal son nom. Ce n’est pas une bibliothèque. C’est un pèlerinage littéraire.

On dit la « bibliothèque d’Haruki Murakami », mais qu’il n’y ait pas de malentendu : ce n’est pas là qu’il écrit son prochain roman. Vous n’y croiserez pas l’auteur le plus connu du pays du Soleil-Levant.

Inaugurée en 2021 sur le campus de son alma mater, l’Université Waseda, cette bibliothèque est plutôt un hommage à l’œuvre de Murakami. L’auteur a fait don à la bibliothèque de plusieurs de ses manuscrits et de sa collection de disques de jazz.

Si vous êtes – comme moi – un fidèle lecteur de Murakami, il est impératif de faire ce pèlerinage littéraire si vous mettez les pieds au Japon. Après tout, il nous a fait découvrir son pays à travers ses romans.

Vous n’avez jamais lu une ligne de Murakami ? Ne connaissez rien de son univers singulier et mystérieux, teinté de réalisme magique ? Encore moins sa philosophie voulant que nos choix aient moins d’importance qu’on pense, car on finira par réaliser notre destin de toute façon, en passant par un chemin ou un autre ?

Ce n’est pas grave.

PHOTO IIJIMA YUTAKA, FOURNIE PAR THE HARUKI MURAKAMI LIBRARY

L’architecte Kengo Kuma a conçu le bâtiment.

Cette bibliothèque de Tokyo vaut le détour. Vous découvrirez au premier étage un charmant petit café-resto, avec d’excellents plats bon marché, du café, de la crème glacée et un service d’une gentillesse typiquement japonaise. Ce café, surtout rempli d’étudiants, est l’endroit idéal pour flâner, arrêter l’horloge, écrire, lire, bref, se reposer. Le bâtiment conçu par l’architecte Kengo Kuma (l’architecte du Stade national pour les Jeux olympiques de 2020) est sublime.

Si vous êtes un fidèle lecteur de Murakami, vous aurez en prime le privilège d’entrer dans son univers.

Propriétaire d’un bar de jazz dans sa vingtaine, Haruki Murakami a eu une illumination durant un match de baseball au stade de son équipe préférée (les Yakult Swallows de Tokyo) : il veut écrire un roman. Pas pour être publié ou connaître la gloire littéraire. Pour écrire, tout simplement.

Après la fermeture de son bar, il écrit jusqu’au petit matin. Quand il termine son « œuvre », il envoie son seul manuscrit à un concours de littérature. Il gagne le concours et son roman est publié. Il en écrira une quinzaine et est aujourd’hui l’auteur japonais contemporain le plus réputé. Ironie : il a longtemps été critiqué dans son pays ; on disait que son style n’était pas assez japonais.

PHOTO IIJIMA YUTAKA, FOURNIE PAR THE HARUKI MURAKAMI LIBRARY

Le piano de l’ancien bar de jazz de l’auteur se trouve au premier étage de la bibliothèque.

Clin d’œil à son premier métier, le piano de son ancien bar de jazz se trouve au premier étage de sa bibliothèque, au milieu du café. On a aussi reproduit son bureau.

Mais c’est au deuxième étage de la bibliothèque (qui peut accueillir une centaine de lecteurs) qu’on entre véritablement dans son univers. Dans une grande salle de lecture, on retrouve tous ses livres, traduits dans toutes les langues. Vous pouvez les lire sur place. Il y a quelque chose de spécial à lire du Murakami confortablement installé dans les sofas de sa bibliothèque en écoutant ses disques de jazz, comme je l’ai fait pendant deux après-midi l’été dernier.

PHOTO IIJIMA YUTAKA, FOURNIE PAR THE HARUKI MURAKAMI LIBRARY

On retrouve tous les livres de l’auteur, traduits en plusieurs langues.

De tous ses romans, 1Q84 est le plus populaire. L’histoire se passe dans deux univers parallèles, ceux d’Aomamé, une tueuse à gages, et de Tengo, un écrivain, qui se croient destinés à tomber amoureux l’un de l’autre. Les trois tomes font plus de 1500 pages, donc pas l’idéal pour vous initier à Murakami…

Pour les néophytes, je suggère plutôt L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, plus court (350 pages) et plus accessible. C’est l’histoire de cinq amis inséparables au secondaire, dont Tskukuru Tazaki. À sa première année d’université, ses amis lui annoncent qu’ils ne veulent plus jamais le revoir. Sans lui donner de raison. Seize ans plus tard, alors qu’il est sur le point de se marier, Tsukuru Tazaki veut savoir ce qui s’est passé. L’histoire vous remuera, et vous plongera sans doute un peu dans votre propre passé imparfait.

Autre stratégie gagnante pour les néophytes : commencez avec l’un de ses recueils de nouvelles, comme L’éléphant s’évapore ou Des hommes sans femmes.

PHOTO ALVARO BARRIENTOS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’auteur Haruki Murakami

Ah oui, que vous couriez ou pas, vous devez lire son essai-biographie Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, où celui qui enchaîne marathons et triathlons explique sa philosophie personnelle et sa relation avec le sport.

Évidemment, on ne lira pas tous ces livres sur les rayons de sa bibliothèque… Tokyo a tellement à offrir, il serait bizarre de s’y enfermer pendant des jours pour (re)dévorer son œuvre. Mais dans cette ville si dépaysante, les lecteurs d’Haruki Murakami seront heureux de retrouver, ne serait-ce que pour quelques heures, un univers qui leur est étrangement familier.

La bibliothèque d’Haruki Murakami, de son nom officiel Waseda International House of Literature (The Haruki Murakami Library), est fermée le mercredi.

Consultez le site du Waseda International House of Literature (en anglais)

Plus loin dans le quartier, le musée de Yayoi Kusama

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

À visiter à Tokyo : le musée de l’artiste visuelle Yayoi Kusama

Tant qu’à être dans le quartier de Waseda, vous devez visiter le musée de l’autre artiste japonaise la plus connue à l’étranger : l’artiste visuelle Yayoi Kusama, 94 ans, acclamée à travers le monde pour ses miroirs infinis, ses citrouilles et ses œuvres à pois. À partir de la bibliothèque d’Haruki Murakami, le Yayoi Kusama Museum est à une vingtaine de minutes à pied (utilisez Google Maps sur votre téléphone portable). Avertissement : ce n’est pas l’une de ces grandes expos de Yayoi Kusama qui font le tour du monde. Le musée est plus modeste, et votre visite vous prendra 30 minutes, tout au plus. Ça vaut quand même le déplacement, surtout pour le prix d’entrée dérisoire (10 $ CAN par adulte, 5,50 $CAN par enfant). Du 9 novembre 2023 au 24 mars 2024, y prendra place l’exposition Visionary Colors, qui s’intéresse à l’utilisation si unique de la couleur par l’artiste, à travers une série d’œuvres, d’hier à aujourd’hui. Achetez vos billets quelques semaines à l’avance sur le web.

Consultez le site du Yayoi Kusama Museum (en anglais)