Il a déjà dit à un rival que sa femme l’avait trompé avec un autre joueur. Il s’est fait servir un discours de motivation par un arbitre qui souhaitait le voir démontrer plus d’efforts. Il a carrément arrêté de jouer pendant un match à Wimbledon.

Mais c’est aussi le même joueur qui tente des coups entre ses jambes pour épater les spectateurs. Le même joueur qui interagit avec la foule avec l’aisance d’une vedette rock.

Ce phénomène, c’est Nick Kyrgios, et il débarque à la Coupe Rogers aujourd’hui. Le controversé Australien de 24 ans vient de remporter le tournoi de Washington, sixième triomphe de sa carrière, qui le fait grimper au 27e rang mondial. À ce titre, il aura droit aux grands honneurs : un match en soirée, sur le central, contre le Britannique Kyle Edmund.

Alors, à quoi s’attendre ? On a demandé à deux joueurs de le décrire cette semaine. Curieusement, les deux ont poussé de longs soupirs – pas d’agacement, mais de réflexion – avant de tenter du mieux qu’ils le pouvaient de décrire la bête.

« Je ne sais pas. Je l’ai affronté plusieurs fois, j’ai gagné, j’ai perdu, je l’ai affronté ici il y a deux ans. Quand il est motivé et qu’il veut jouer, il est un des joueurs les plus difficiles à affronter. Il peut battre n’importe qui », a décrit l’Allemand Alexander Zverev, 7e joueur mondial.

« Je ne connais pas beaucoup de gens qui n’aiment pas le regarder jouer. Je ne dis pas que ceux qui le regardent veulent qu’il gagne à tout prix, mais c’est agréable. Tu veux voir ça. Quand il offre son meilleur effort, il est extrêmement talentueux, il peut battre les meilleurs joueurs [...]. Il implique la foule et ça, c’est positif », a ajouté l’ancien numéro 1 mondial Andy Murray.

Un talent fou

Le talent de Kyrgios n’a jamais fait de doute. Sa fiche cette saison contre les joueurs du top 10 mondial : cinq victoires, une défaite.

Il a affronté Rafael Nadal sept fois ; il l’a battu trois fois. Contre Novak Djokovic, c’est deux victoires en deux matchs. Zverev fait continuellement partie du top 10 mondial depuis deux ans ; Kyrgios présente une fiche de 4-3 contre lui.

Autre preuve de son talent : Kyrgios n’avait que 21 ans quand il a atteint son meilleur classement mondial, le 13e rang.

« À mes yeux, Nadal est également très talentueux, mais c’est grâce à ses habitudes de travail. David Ferrer était aussi très talentueux, parce qu’il travaillait fort. Lui, c’est différent comme talent, estime Zverev. C’est un talent pur, des mains pures, une sensation pour le match. Un joueur comme ça est dur à affronter quand il s’attelle à la tâche. »

C’est justement ce qui revient constamment dans les commentaires. « Quand il est motivé. » « Quand il est concentré. » Car il ne l’a pas toujours été. 

C’est à Montréal, en 2015, qu’il s’était pris pour un acteur de Slap Shot et avait dit – pendant un match – à Stanislas Wawrinka qu’untel avait couché avec sa femme.

En 2017, au même tournoi de Washington où il vient de charmer la foule, il avait hissé le drapeau blanc en deuxième manche de son match contre Tennys Sandgren, prétextant une blessure à une épaule. C’était le troisième match de suite qu’il abandonnait, et les spectateurs l’avaient copieusement hué. « Je n’avais pas donné un bon spectacle. J’ai manqué de respect. C’est le jour et la nuit par rapport à 2017 », a-t-il dit aux médias sur place, dimanche, après sa victoire en finale.

Car voilà, le Kyrgios de la semaine dernière semble avoir retrouvé l’amour du tennis. Tous ses matchs, sauf un, ont eu lieu sur le central. Ils étaient tous en soirée, et nos espions sur place nous assurent qu’il passait ses journées sur le site, plutôt que de se laisser distraire par la vie à l’extérieur du terrain. « J’ai été professionnel toute la semaine, j’avais la même routine chaque jour. Je me sentais comme un joueur traditionnel de tennis cette semaine. »

On l’a aussi dit dans de bonnes dispositions avec les médias, ce qui n’a pas toujours été le cas avec lui. On se souviendra de son point de presse de 2015 à Montréal, dans la foulée de l’histoire avec Wawrinka ; à peine trois minutes pour répondre à 10 questions des journalistes.

Est-ce son partenariat en double avec le Grec Stéfanos Tsitsipás qui l’a mis dans de bonnes dispositions ? C’est une théorie qui circule dans la capitale américaine.

Toujours spectaculaire

Kyrgios était peut-être différent, mais pas méconnaissable. Il continue à jouer sans entraîneur depuis que son association avec Sébastien Grosjean a pris fin, il y a deux ans. « Il est très travaillant et il mérite de diriger un joueur plus dévoué au tennis que moi », avait alors déclaré Kyrgios.

Sur le terrain aussi, il a continué à jouer à sa façon. Une séquence a fait le tour du monde. En pleine demi-finale contre Tsitsipás, sur une balle de match (!), il a demandé conseil à un spectateur afin de savoir où placer son service (!!). 

« Ce n’est pas comme si c’était 6-2, 5-2. C’était comme 8/7 au bris d’égalité en troisième manche ! », a lancé Zverev, encore incrédule.

« Il est imprévisible, mais il s’agit d’être prêt pour ça, a ajouté Murray. Quand je l’affronte, je sais que tout peut se produire. Je m’attends à l’inattendu, donc je suis prêt pour ça. Je me concentre sur ma moitié du terrain. Son service est incroyable, c’est un des meilleurs. Quand il est concentré comme il l’était [à Washington], il est très bon. »

Non, on ne s’ennuiera pas au stade IGA ce soir.