(Zhangjiakou) « Je suis juste vraiment fière de moi d’avoir continué à persévérer à travers toutes les épreuves que la vie m’a lancées dans les dernières années… »

Après une première participation aux Jeux olympiques de PyeongChang en 2018, Cendrine Browne aurait eu toutes les raisons d’abandonner le ski de fond. Dépression postolympique, commotions cérébrales, exclusion de l’équipe nationale, conflit acrimonieux avec la haute direction de Nordiq Canada, perte de financement, infection à la COVID-19…

Samedi, l’athlète de 28 ans sera pourtant sur la ligne de départ du skiathlon de 15 km aux Jeux olympiques de Pékin. « C’est l’une de mes courses favorites », a souligné la Québécoise, rencontrée en marge d’un entraînement mercredi matin au centre national de Zhangjiakou.

Aux derniers Championnats du monde en Allemagne, elle a pris le 23rang de cette épreuve combinant 7,5 km en classique et 7,5 km en pas de patin. À PyeongChang, elle s’était classée 33e.

« J’arrive ici en me mettant moins de pression, a prévenu la native de Prévost, dans les Laurentides. Je sais à quoi m’attendre, je sais à quel point les Jeux peuvent être étourdissants. Il y a beaucoup de choses qui se passent, beaucoup de distractions. Je suis plus détendue. Aussi, j’ai beaucoup plus d’expérience sur la Coupe du monde. »

Je sais ce dont je suis capable, je connais les skieuses, j’ai vraiment hâte de voir ce que ça donnera dans quelques jours.

Cendrine Browne

Écartée de l’équipe nationale en 2019, Browne a tenté d’être réintégrée en appel en faisant valoir une dépression et en mettant en cause le processus de sélection. L’arbitre lui a donné tort sur toute la ligne, non sans avoir savonné la fédération canadienne pour son piètre respect du français dans les documents officiels.

« Dans ce temps-là, la santé mentale n’était pas vraiment mise au premier plan, a plaidé la fondeuse trois ans plus tard. On en parle beaucoup plus maintenant et on a mis en place des mesures pour aider les athlètes. À l’époque, ce n’était pas aussi reconnu. […] Moi, j’en avais parlé et je m’étais exprimée sur le sujet. »

Mésaventures

À l’été 2019, la fondeuse a subi une commotion cérébrale sévère après une chute en ski à roulettes lors d’un stage d’entraînement à Mont-Tremblant. « J’ai été arrêtée pendant deux mois et demi. J’étais alitée et le plafond tournait. Ç’a été vraiment difficile. »

Browne a souffert de deux récidives de cette commotion initiale après des chutes à l’entraînement dans les deux années suivantes.

Privée du financement de Sport Canada, Browne a néanmoins disputé la saison 2019-2020 par ses propres moyens, limitant les voyages en Europe. La pandémie y a mis un terme prématurément, forçant l’annulation de six courses prévues en Amérique du Nord. À court d’évènements pour espérer se qualifier dans l’équipe, elle a eu une autre passe d’armes avec Nordiq Canada, dont le plus haut dirigeant a fini par démissionner.

À l’automne 2020, Browne a été infectée par la COVID-19 comme plusieurs coéquipiers du Centre national d’entraînement Pierre-Harvey. Ces mésaventures ne l’ont pas empêchée de connaître sa meilleure campagne, ce qui lui a permis de revenir de plein droit dans l’équipe canadienne.

À sa grande surprise, cette spécialiste des courses de distance a assuré sa place à Pékin en remportant haut la main les qualifications du sprint individuel à Canmore, au début du mois de janvier. Cela lui vaudra de disputer l’épreuve aux JO.

Maintenant, elle tient seulement à profiter de sa quinzaine pékinoise. « Ça n’a pas été facile, mais j’ai été très bien entourée. J’ai su persévérer à travers tous les défis. Être ici, c’est juste un gros bonus après ce que j’ai réussi à surmonter. Je veux apprécier les Jeux sans me mettre de pression. C’est vraiment le bonbon après les quatre dernières années. »

Une inspiration pour la relève au féminin

Non seulement Cendrine Browne est résiliente, mais elle a également à cœur d’aider la relève. Avec son amie Laura Leclair, qualifiée aussi pour Pékin, elle a mis sur pied Féminaction, une initiative visant à bonifier la représentation féminine en ski de fond. Sur une période d’un an, Browne et Leclair assureront le suivi et le mentorat d’un groupe de 16 fondeuses âgées de 13 à 15 ans. Elles ont aussi rendu visite à quelque 150 fondeuses dans des clubs du Québec. Un autre volet du programme est une initiation au coaching destinée aux femmes. « En étant deux olympiennes, ça nous donne encore plus de notoriété, s’est réjouie Browne. Ça va nous aider pour la suite. Je pense que je peux en inspirer plusieurs en leur montrant mon parcours et le fait que je n’ai pas lâché. »