Si la jeune Jacqueline Simoneau de 9 ans avait écouté son gastroentérologue qui lui conseillait de ne pas faire de sport de haut niveau, elle ne serait pas aujourd’hui l’une des meilleures nageuses du pays. Encore moins à quelques semaines de sa deuxième participation aux Jeux olympiques.

Jeune, Jacqueline Simoneau a passé beaucoup de temps à l’hôpital. Elle était faible, perdait ses cheveux et sa masse musculaire.

« Ça a pris quatre ans pour que les médecins trouvent ce que j’avais, relate l’athlète. Je vivais presque à l’hôpital. Je n’avais pas beaucoup d’énergie et j’avais de la misère à me concentrer à l’école. »

Elle était en fait atteinte de la maladie cœliaque, décrite par Cœliaque Québec comme « une maladie chronique et auto-immune qui se développe chez les personnes génétiquement prédisposées. L’ingestion d’aliments contenant du gluten par un individu cœliaque provoque une réponse anormale et disproportionnée de son système immunitaire ».

À l’époque, la jeune fille trouvait du réconfort dans le sport. Il lui donnait des endorphines et de l’énergie, dit-elle.

« Même si j’étais épuisée à la fin de mes activités physiques, j’adorais le sport, se souvient-elle. Mon rêve était d’aller aux Jeux olympiques. »

« Quand j’ai reçu mon diagnostic, le gastroentérologue m’avait dit déjà en partant que je n’avais pas beaucoup de masse musculaire et que les niveaux de vitamines étaient très faibles dans mon corps. Il m’a dit que ce n’était peut-être pas une bonne idée de pousser dans un sport de haut niveau. »

Mais parfois, dans la vie, il vaut mieux écouter son instinct et suivre ses rêves. C’est ce qu’elle a décidé de faire.

Je n’allais pas laisser mon diagnostic changer mon chemin.

Jacqueline Simoneau

Soutenue par sa mère, elle a revu sa diète. Aujourd’hui, la nageuse de 24 ans est porte-parole pour Cœliaque Québec et a appris à vivre avec son diagnostic. Double médaillée d’or des Jeux panaméricains de 2015 et de 2019, elle a pris part aux Jeux olympiques de Rio en 2016 ainsi qu’à de nombreux autres championnats mondiaux.

« Évidemment, c’était dur de bien communiquer ma maladie quand j’ai commencé à voyager sur des équipes nationales, explique-t-elle. Dans les pays comme la Chine ou le Japon, par exemple, il fallait que je sois très prudente avec ce que j’ingérais avant une compétition. »

Distractions et préparation

Quand le Canada a fermé ses frontières en mars 2020, l’équipe de natation artistique était pratiquement fin prête pour les Jeux olympiques, qui devaient avoir lieu quelques mois plus tard. On connaît la suite.

Jacqueline Simoneau, comme tous les athlètes, a dû s’adapter, mettre en place de nouvelles façons de faire. Elle avait toutefois un défi additionnel : c’est que, voyez-vous, la natation artistique se pratique… dans l’eau.

PHOTO ARIANNE BERGERON, FOURNIE PAR NATATION ARTISTIQUE CANADA

« Je dois avouer que c’était dur d’adapter mon entraînement, qui était censé être dans l’eau, à l’extérieur de l’eau, admet-elle. Mais je suis très chanceuse d’avoir une équipe formidable autour de moi. Notre coach de force et de conditionnement physique, Sandra Gonzalez de l’Institut national du sport (INS), est vraiment formidable, ainsi que nos entraîneurs qui ont organisé beaucoup d’appels par Zoom. »

En juillet 2020, l’INS a rouvert ses portes aux athlètes qualifiés, permettant à Simoneau de retourner dans la piscine. En septembre, l’équipe canadienne a été réunie et a pu reprendre l’entraînement. Seulement, elle a dû cesser ses activités de nouveau en octobre, à la suite d’allégations d’abus et de harcèlement à l’endroit de Natation artistique Canada.

Jacqueline Simoneau ne le cache pas : cette histoire a été une source de distraction en cette année de préparation olympique.

« C’est difficile de voir des choses comme ça dans les médias, laisse-t-elle entendre. Mon job en tant qu’athlète est d’arriver à la piscine, de faire mon travail et de partir. C’est d’être la meilleure athlète et la meilleure personne possible. D’avoir toute cette distraction-là externe…

« Il y a beaucoup de monde qui m’appelait, des amis, des collègues… C’était beaucoup. Mais j’étais vraiment bien soutenue dans tout ça par ma famille, mon copain, pour que je puisse me concentrer sur ce qui est le plus important pour moi : l’entraînement pour les Jeux olympiques. »

« Toutes les filles ici, les entraîneurs, on est vraiment focus », ajoute-t-elle.

PHOTO MARK BAKER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La Québécoise a d’ailleurs connu des performances sans faille à son retour à la compétition en avril, remportant quatre médailles d’or en solo et en duo à la Série mondiale de Budapest.

« C’est comme une bicyclette. Quand tu remontes dessus, tu sais exactement comment faire. Juste d’entrer dans l’ambiance et l’environnement de compétition, ça m’a remise mentalement et physiquement où j’étais en 2019. »

Derniers Jeux ?

La native de Chambly juge qu’elle a beaucoup évolué au cours du dernier cycle olympique, qui aura duré cinq ans plutôt que quatre.

« Je ne m’attendais pas à ce que tout ça arrive, mais je me suis adaptée. J’aime penser que rien n’arrive pour rien. J’ai vraiment beaucoup appris sur moi-même, à avoir une vie plus équilibrée. »

Ces deuxièmes Jeux olympiques représentent pour moi la lumière à la fin du tunnel, à la fin de cette grosse pandémie.

Jacqueline Simoneau

L’athlète, qui prendra part aux épreuves en duo et en équipe, préfère être réaliste et ne pas trop penser aux résultats. Même si, elle l’admet, l’objectif ultime reste de monter sur la première marche du podium.

« Tout peut arriver aux Jeux, lance-t-elle. C’est certain que tout le monde vise l’or, mais en ce qui concerne les résultats, je ne peux pas vraiment viser quelque chose. Mon job, c’est vraiment de performer au meilleur de mon potentiel et si je peux sortir des Jeux en me disant ça, je vais être très contente. »

Quant à son après-Tokyo, il commence à se dessiner. Elle a été acceptée en médecine podiatrique à l’Université de Trois-Rivières, révèle-t-elle avec enthousiasme.

« Après les Jeux, c’est certain que mon focus va changer plus vers l’école et mes études en médecine. Mais je ne ferme pas la porte pour des troisièmes Jeux olympiques. »

Si elle se lance dans un autre cycle, elle pourrait devenir la première Canadienne à participer à trois présentations des Jeux olympiques en natation artistique…

À suivre, donc.