Si 2020 n’a pas été facile pour le marcheur québécois Mathieu Bilodeau, 2021 devrait être inoubliable. En plus de sa deuxième participation aux Jeux olympiques à l’épreuve du 50 km marche, il deviendra père en septembre.

« Quand je vais revenir des Jeux, je vais avoir une petite fille ! », lance fièrement l’athlète. Facile d’imaginer son sourire au bout du fil.

Mais avant de penser à son retour de Tokyo, qui s’annonce excitant, le natif de Québec doit d’abord participer aux Jeux. Et avant d’y participer, c’est bien de se préparer. Au moment de son entretien avec La Presse, il se trouve en camp d’entraînement à Flagstaff, en Arizona.

Non, l’année 2020 n’a pas été facile pour Mathieu Bilodeau. Le marcheur a vu toutes ses compétitions être annulées les unes après les autres entre mars 2020 et mars 2021. On parle de six évènements au total, dans une année olympique. Difficile de garder sa place dans le top 60 mondial quand on n’a aucune occasion d’amasser des points. Contre toute attente, il a réussi à obtenir son billet pour Tokyo malgré tout, non sans passer par une série d’émotions.

« J’étais vraiment en forme l’année dernière, relate-t-il. Je pensais vraiment me qualifier par le temps parce que mes entraînements étaient super, donc je pensais avoir le standard olympique. Les quatre courses auxquelles j’ai tenté d’aller ont été annulées. »

C’était la catastrophe. La motivation aussi, je l’ai perdue un petit bout. C’est gros, une préparation de 50 km. C’est beaucoup de volume et de temps.

Mathieu Bilodeau

Après que la compétition prévue en novembre 2020 a été annulée, il ne lui restait plus que la Coupe panaméricaine et les Championnats canadiens, en 2021, pour réussir le standard olympique ou améliorer son classement mondial. Mais – mauvaise – surprise : les deux ont été annulés.

« Je me suis dit : “Là, c’est assez, je ne passerai pas.” Mais finalement, j’ai eu tellement de bonnes courses en 2019 que ça m’a maintenu dans le classement », explique-t-il.

L’année 2019 avait en effet été assez exceptionnelle pour l’athlète. Il avait notamment conclu en 14place aux Championnats du monde à Doha, au Qatar, en parcourant les 50 km en 4 h 21 min 13 s.

Beaucoup d’athlètes européens, dont l’entraînement et les compétitions n’ont pas été touchés par la pandémie, ont pu dépasser Mathieu Bilodeau au classement mondial dans la dernière année. Le Québécois s’est malgré tout maintenu au 59rang, décrochant de justesse sa place dans l’avion vers le Japon.

Conditions extrêmes

En excluant l’Acadienne Geneviève Lalonde, qui est née à Montréal, Bilodeau sera le seul Québécois à représenter le pays en athlétisme.

« Je suis vraiment content !, lance-t-il. Être le seul Québécois, c’est quand même un honneur. »

PHOTO FRÉDÉRIC MATTE, LE SOLEIL

Mathieu Bilodeau

Selon ce qu’il a entendu, la température devrait tourner autour des 42 °C dans la capitale japonaise. C’est sans parler de l’humidité.

« Ça va être extrême, dit l’homme de 37 ans. Ce ne sera pas une course rapide. Il va juste falloir être intelligent, bien gérer cette course-là. »

On fait beaucoup de simulation. Ce matin, j’avais une plus longue distance où j’ai pratiqué mon hydratation et tout. J’essaie de pousser un peu plus le rythme. Mais c’est toujours difficile par soi-même.

Mathieu Bilodeau

Bilodeau n’a pas fait de 50 km en compétition depuis le début de 2020. Dans les deux semaines précédant les Jeux, il rejoindra à Tokyo son collègue de la Colombie-Britannique Evan Dunfee.

« C’est un des meilleurs au monde, donc je vais voir si je suis capable de le suivre ou si je suis un peu plus loin », explique-t-il.

« Le top 15, c’est mon objectif, laisse-t-il entendre. Si je ne l’atteins pas, ce n’est pas plus grave que ça. Je ne pense pas que j’ai le potentiel d’avoir une médaille, surtout dans ces chaleurs-là. »

Comme il en est à sa deuxième participation aux Jeux olympiques, l’athlète sait un peu ce qui l’attend au cours des prochaines semaines. Il a les outils pour gérer le stress.

« Il ne faut pas que j’y pense [aux Jeux], soutient-il. Je travaille encore. J’essaie de rester dans ma bulle, de garder la même routine. J’écoute le hockey. Je ne suis pas juste concentré sur mon sport. C’est comme ça que je gère. »

Du triathlon à la marche

Avant même de faire de la marche, Mathieu Bilodeau a pratiqué la natation et le triathlon au sein du Rouge et Or de l’Université Laval. Mais l’école était à ses yeux plus importante que le sport, raconte-t-il. Comme il était incapable de trouver un stage en comptabilité au Québec, sa conjointe et lui ont déménagé en Alberta en 2011. Là-bas, il continuait à pratiquer le triathlon.

« En 2015, j’ai dit à ma conjointe : “Je vais aller aux Jeux en 2016, on s’essaie.” Je ne pensais pas être capable de m’y rendre en triathlon parce que c’est trop de temps. C’était trois sports à gérer avec un emploi à temps plein, c’était difficile. »

PHOTO FOURNIE PAR MATHIEU BILODEAU

Mathieu Bilodeau aux Jeux panaméricains

« Je courais et je me demandais en quoi aller, se souvient-il. J’ai rencontré une madame à Calgary qui m’a dit que je devrais essayer la marche. Je lui ai dit : “OK, tu me mets au défi, j’essaie ça et je veux me qualifier aux Jeux.” C’est comme ça que j’ai commencé à prendre la marche au sérieux. Je n’avais jamais pris un sport autant au sérieux. »

« Ce n’est pas nécessairement le sport qui m’a attiré. C’est le soutien que j’ai eu en partant. En triathlon, je n’ai jamais eu de soutien, jamais personne qui n’a cru en moi, contrairement à la marche. »

Appuyé par sa femme, Bilodeau s’est entraîné assidûment, a changé ses habitudes de sommeil ainsi que son alimentation.

« Je suis passé d’un athlète amateur à élite du jour au lendemain et c’est comme ça que ça a commencé à payer. »

Représenter son pays à deux reprises aux Jeux olympiques, c’est en effet une belle paie.