(Nogaro, France) Est-ce indécent de manger du foie gras de canard deux fois dans la même journée ? Apparemment pas dans le Gers, qui en fait une spécialité avec l’armagnac.

Après le jambon de Bayonne la veille, les gens de Nogaro ont haussé leur niveau de jeu d’un cran au profit de la panse des suiveurs déjà un peu exsangues une semaine après que le Tour de France a planté sa tente à Bilbao. Et pourquoi pas du gésier de canard fumé dans la salade-repas pour le souper ?

À défaut d’avoir été mémorable sur le plan sportif, la quatrième étape disputée dans la campagne verdoyante entre Dax et Nogaro a été une première occasion pour les Français de sortir les tables pour l’apéro sur le bord des routes. Tout un contraste avec les images d’émeutes qui tapissent la une des journaux depuis une semaine.

Dans les paddocks à Dax, j’ai pris un cliché d’Adam Yates, de son amoureuse Lisa et de leur chien Zoe. Comme ça, Hugo Houle aura enfin une bonne raison de me traiter de paparazzi.

Avant le départ, on a croisé l’ancien maillot jaune Thomas Voeckler, prêt à monter sur sa moto pour commenter la course en direct. « Le premier vainqueur du Grand Prix de Québec ! », ai-je lâché.

« C’est un souvenir mémorable », a-t-il répondu avant de se retourner : « La soirée aussi, hein… »

Autour des arènes, il y avait foule. Après le coup d’envoi, les gens ont accouru à l’autre coin de rue pour voir filer le peloton une dernière fois. Quelques secondes et c’était fini.

Les voitures de presse ont patienté pour que la caravane des autos d’équipes leur ouvre le passage sur le début de parcours. Assez de temps pour observer la statue d’un toréador et qu’un étrange échassier vêtu d’une pelisse à peau de mouton me passe par-dessus la tête.

PHOTO SIMON DROUIN, LA PRESSE

Des échassiers vêtus d’une pelisse à peau de mouton

À Nogaro, quelque 600 invités, aussi bien dire le quart du village, sont venus assister à l’arrivée sur le circuit Paul Armagnac, du nom du plus grand pilote gascon mort en course en 1962.

Pour enfin voir rouler les cyclistes autrement que sur un écran, je suis grimpé sur un étroit muret de béton à l’entrée du parcours, un pied en équilibre précaire sur une colonne de pneus. Un gendarme m’a donné la main pour redescendre…

Croisé à la sortie, un couple a partagé son enthousiasme, même s’il ne connaissait rien au vélo. « Nous, ici, c’est la course automobile », m’a dit l’ancien patron du café local, qui se souvient des passages de pilotes de Formule 1 comme Jean-Pierre Jabouille, mort plus tôt cette année.

Avant de partir, ils m’ont présenté la directrice du circuit de Nogaro, Caroline Divies, à qui j’ai soumis que le spectacle avait été plus dynamique sur sa piste. « Ici, ça roule vite, moteur ou sans moteur ! »

La fête s’est poursuivie sur les quelques terrasses de la petite commune à quelques minutes de marche. La patronne de l’Hôtel-Restaurant du Commerce m’a offert une table à l’intérieur pour que je puisse continuer à écrire devant ma salade de foie gras. Le serveur m’a achevé avec une croustade aux pommes au coulis d’armagnac.

À 22 h 30, il ne restait plus personne. Elle m’a expliqué où je trouverais l’arrêt de l’autobus qui doit me prendre mercredi à 6 h 15. « La porte ne sera pas barrée. » À Auch, préfecture du département, je sauterai dans un train pour Toulouse et ensuite l’aéroport. Parce que oui, je rentre à Montréal.

En partant, la patronne m’a confié Ramsès et Titi, les deux chats siamois que je ne dois pas laisser sortir.

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Le chat Ramsès