La communauté internationale réclame un cessez-le-feu à Gaza et une enquête sur les responsabilités après une tragique distribution d’aide humanitaire lors de laquelle des tirs israéliens et une bousculade ont fait 115 morts selon le Hamas.

Joe Biden a annoncé vendredi que les États-Unis allaient participer « dans les prochains jours » à des largages d’aide humanitaire sur la bande de Gaza, où 2,2 millions de personnes, soit l’immense majorité de la population, sont menacées de famine, selon l’ONU.

Le président américain a aussi dit espérer une trêve entre Israël et le mouvement islamiste d’ici au ramadan, le mois saint musulman qui commence le soir du 10 mars ou le 11. « Mais on n’y est pas encore », a-t-il prévenu en s’adressant à des journalistes.  

En particulier dans le nord du territoire palestinien, combats et pillages rendent l’acheminement de l’aide presque impossible.

Les cargaisons, soumises au feu vert d’Israël qui impose un blocus à la bande de Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007, n’arrivent qu’en quantité très limitée, principalement depuis l’Égypte via Rafah.  

Selon l’administratrice de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), seuls 96 camions en moyenne sont entrés quotidiennement dans le territoire au cours de la semaine écoulée. « C’est une fraction de ce qui est nécessaire », a dit Samantha Power.

PHOTO LAURENCE SAUBADU, AFP

Carte montrant le poste-frontière de Rafah entre la bande de Gaza et l’Égypte, l’aéroport d’al-Arich en Égypte et les points d’inspection des camions d’aide destinés à Gaza situés à Nizzana et Kerem Shalom

« Nous allons insister auprès d’Israël pour qu’il facilite l’entrée de davantage de camions et qu’il augmente les voies d’accès à Gaza […] Il n’y a vraiment pas assez d’aide qui arrive à Gaza », a déclaré Joe Biden.

Plusieurs pays ont déjà largué des cargaisons d’aide, dont la Jordanie avec le soutien de plusieurs pays dont la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, ainsi que l’Égypte en coopération avec les Émirats arabes unis.

« Les largages aériens ne peuvent pas et ne doivent pas se substituer à l’accès humanitaire », a commenté samedi l’ONG internationale Rescue Committee (IRC).

Guerre et pénuries ont notamment mis à genoux le système de santé palestinien. Dix enfants sont morts de « malnutrition et de déshydratation » ces derniers jours, a affirmé vendredi le ministère de la Santé du Hamas.

« Enquête efficace »

PHOTO ALINE MANOUKIAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un responsable de l’armée israélienne a confirmé des « tirs limités » de soldats se sentant « menacés ».

Jeudi, des témoins ont affirmé que des soldats israéliens ont tiré sur une foule affamée qui se précipitait vers des camions d’aide humanitaire dans la ville de Gaza, dans le nord. Le bilan est de 115 morts et environ 760 blessés, selon le Hamas.

Un responsable de l’armée israélienne a confirmé des « tirs limités » de soldats qui se sentaient « menacés » et évoqué « une bousculade durant laquelle des dizaines d’habitants ont été tués et blessés, certains renversés par les camions d’aide ».

Principal allié d’Israël, Washington a exigé des « réponses » du gouvernement de Benyamin Nétanyahou après la tragédie et plaidé pour « un accord sur un cessez-le-feu temporaire ».

L’Union européenne a appelé à une enquête et à un cessez-le-feu humanitaire tandis que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a demandé « une enquête indépendante efficace ».

Une équipe de l’ONU, qui a rendu visite à des blessés vendredi à l’hôpital al-Chifa à Gaza-ville, a constaté « un grand nombre de blessures par balles », a déclaré le porte-parole de M. Guterres, Stéphane Dujarric. Il a ajouté que 200 blessés se trouvaient toujours dans cet hôpital sur plus de 700 qui y ont été transportés.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sanglante menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël, qui a causé la mort d’au moins 1160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

Environ 250 personnes ont été enlevées et emmenées à Gaza durant l’attaque. Selon Israël, 130 otages y sont encore retenus, dont 31 seraient morts, après la libération de 105 otages et de 240 Palestiniens détenus par Israël, lors d’une trêve fin novembre.

En représailles, Israël a juré d’anéantir le Hamas, qu’il considère comme une organisation terroriste, de même que les États-Unis et l’Union européenne.

Son armée pilonne sans répit la bande de Gaza et a lancé le 27 octobre une offensive terrestre dans le nord du territoire, qui s’est progressivement étendue jusque dans le sud.

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Des Palestiniens assistent à la prière du vendredi près des ruines d’une mosquée détruite par des frappes israéliennes, à Rafah.

Les bombardements et les opérations militaires israéliennes ont fait jusqu’à présent 30 228 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas.

La branche armée du Hamas a affirmé vendredi que sept otages étaient morts au cours des dernières semaines dans des bombardements israéliens. Cette information n’a pas pu être confirmée de source indépendante.

La guerre a aussi entraîné une flambée de violences en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.

Un adolescent palestinien de 16 ans a succombé samedi à des tirs de soldats israéliens pendant une opération dans un village près de Ramallah, a rapporté l’agence palestinienne Wafa.

Pourparlers fragilisés

La tragédie de jeudi à Gaza porte un coup aux efforts des pays médiateurs, qui y espèrent une trêve pendant le ramadan.

Le Qatar, les États-Unis et l’Égypte tentent depuis des semaines d’arracher aux deux camps un compromis qui rendrait possible une trêve associée à de nouvelles libérations d’otages, mais aucune avancée concrète n’a été annoncée jusqu’à présent.  

Le Hamas réclame notamment un cessez-le-feu définitif avant tout accord sur la libération des otages, ainsi que la levée du blocus israélien et l’entrée d’une aide humanitaire accrue.

Israël répète de son côté qu’une trêve devrait être accompagnée de la libération de tous les otages et ne signifierait pas la fin de la guerre, promettant que celle-ci se poursuivra jusqu’à l’élimination totale du Hamas.

Afin de vaincre le mouvement islamiste dans son « dernier bastion », Benyamin Nétanyahou a annoncé une prochaine offensive terrestre sur Rafah, à l’extrême sud du territoire, où sont massés près d’un million et demi de Palestiniens, selon l’ONU, piégés contre la frontière fermée avec l’Égypte.

Le premier ministre a affirmé qu’une éventuelle trêve ne ferait que « retarder » une telle offensive sur la ville, bombardée quotidiennement par Israël.