(Kiryat Shmona) Un doux coucher de soleil met fin à une journée calme au pied du Golan. Soudain, quatre roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées en plein ciel. Une scène récurrente côté israélien de la frontière, où la situation est explosive.

Après les tirs, le kibboutz Dan, situé tout près de la zone d’impact, a été aussitôt interdit d’accès, sauf pour les habitants des villages voisins.

« Le (mouvement libanais) Hezbollah nous harcèle », résume, joint au téléphone par l’AFP, Yoav Hermoni, un porte-parole du kibboutz vidé de la majorité de ses habitants depuis le 7 octobre, jour de l’attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien.

Sur 850 habitants, explique ce guide touristique désormais chargé de la sécurité de la communauté agricole, environ 600, dont sa femme et ses trois enfants, ont été relogés dans un hôtel à Haïfa (nord).

Seules « 30 personnes, les métiers essentiels, policiers, pompiers, agriculteurs », sont restées, précise M. Hermoni.

Après le 7 octobre, alors que des échanges de tirs ont débuté à la frontière avec le Liban, les autorités ont fixé une première bande d’évacuation de 2 km, puis 5 km à partir de la frontière, explique cet homme de 47 ans.

« Nous sommes des réfugiés dans notre propre pays », dit-il alors que l’État estime que 224 000 Israéliens ont quitté leur domicile après l’attaque du 7 octobre.

« Guerre totale » ?

Depuis, au moins 1400 personnes sont mortes côté israélien, en majorité des civils tués le jour même de l’attaque, selon les autorités israéliennes.

Cette attaque a eu lieu 200 km au sud du kibboutz Dan, à partir de Gaza, où Israël a riposté en bombardant sans relâche le territoire côtier palestinien, faisant plus de 10 500 morts selon le mouvement islamiste.

Mais le puissant mouvement Hezbollah, ennemi juré d’Israël depuis la guerre qui les a opposés en 2006, a dit être « entré dans la bataille depuis le 8 octobre » pour soutenir le Hamas.

Depuis, la frontière septentrionale est le théâtre d’échanges de tirs quotidiens entre l’armée israélienne d’une part et le groupe islamiste chiite et ses alliés de l’autre.

Mardi, Israël a dit avoir riposté à une nouvelle attaque venue du Liban par des bombardements aériens.

Depuis le 7 octobre, plus de 80 personnes ont péri du côté libanais et huit du côté israélien.

Parmi les morts côté libanais figurent plus de 60 combattants du Hezbollah et plus de 10 civils, selon un décompte de l’AFP. Côté israélien, six soldats et deux civils ont été tués, selon les autorités.

Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait estimé vendredi dans un discours que l’éventualité « d’une guerre totale » était « réaliste ».

« Si le Hezbollah décide de se joindre à la guerre, il ferait l’erreur de sa vie », a répondu mardi le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.

Les échanges de tirs quotidiens ont pour cadre les montagnes de Haute-Galilée, riches en cultures fruitières et réserves forestières.

Parallèle au mur frontalier qui serpente sur les crêtes, la route reste ouverte à la circulation. Sur les bas-côtés, on aperçoit des soldats israéliens camouflés dans la végétation.

Aux nombreux barrages mobiles dans la région, les militaires se reposent dans des tentes montées près de la route.

« Je resterai ici »

Si le bruit sourd de l’artillerie, voire des drones ou des avions israéliens, vient régulièrement rappeler la proximité du danger, Yakov Levi dit n’avoir « pas peur ».

La preuve, cet homme de 26 ans a amené sa famille sur le mont Adir, point de vue imprenable sur la frontière, pour « prendre une photo et se détendre ».

L’hôtel qui l’emploie, situé à Safed, cité historique des environs, a fermé à cause des hostilités et le jeune homme déplore de devoir « rester assis toute la journée ».

« C’est une zone très explosive », résume Naor Shimoni, un musicien âgé de 38 ans venu à moto savourer la vue.

Si la situation se détériore, « peut-être que j’emmènerai ma femme et mes enfants dans un endroit plus sûr, mais je resterai ici protéger mon village » de Safsufa, affirme ce père de cinq enfants.

« Aucun endroit ne sera sûr en Israël » si une « vraie guerre » se déclenche, souligne son ami Yitzchak Lalush pour expliquer son refus de quitter la région.

« S’ils (le Hezbollah et ses alliés) parviennent jusqu’ici, ils iront jusqu’à Tel-Aviv », assure ce travailleur social âgé de 40 ans. « Nous devons […] tenir bon et combattre. »