Jusqu'à 500 personnes ont été tuées mardi dans une frappe ayant touché un hôpital de la ville de Gaza, selon le Hamas. Des spécialistes estiment que l’attaque pourrait avoir des répercussions sur une éventuelle invasion terrestre de Gaza par Israël.

Quand allons-nous savoir qui a mené l’attaque ?

Selon Benjamin Toubol, doctorant en science politique à l’Université Laval, il est possible que de nouveaux détails sur la frappe émergent dans les heures à venir, notamment avec la visite de Joe Biden en Israël. « La visite de Biden sert de confirmation du soutien dit inébranlable des Américains à Israël. Les États-Unis pourraient exiger une plus grande transparence sur ce qui s’est passé », dit-il. Marc Imbeault, professeur au département des humanités et des sciences sociales du Collège militaire royal de Saint-Jean, craint toutefois que les informations sur le responsable de l’attaque se fassent rares. « Dans le contexte actuel, il n’est sans doute même pas possible de faire une enquête », dit-il. Généralement, en contexte de guerre, il peut s’écouler des mois de fouilles, d’interrogatoires et de preuves matérielles très poussés avant de déterminer qui a mené une attaque, explique-t-il. « Puis parfois, on n’arrive même jamais à savoir exactement ce qui est arrivé. »

Est-ce que cette frappe risque de changer la nature du conflit ?

Le professeur Marc Imbeault juge que le conflit pourrait momentanément s’aggraver à cause de l’attaque. « Mais la situation est déjà tellement grave, alors qu’on attaque ou non un hôpital, je ne pense pas que ça change fondamentalement la situation », dit-il. La bande de Gaza abrite plus de 2 millions d’habitants, et en bombardant cette région, tôt ou tard, des endroits tels que des hôpitaux, des maisons, des civils, des personnes âgées et des enfants seront touchés, explique-t-il.

Est-ce que l’attaque pourrait retarder l’invasion terrestre de Gaza ?

C’est possible, croit le doctorant en science politique Benjamin Toubol. « Il se peut qu’il y ait une pression de la part de l’administration américaine pour essayer de démêler le vrai du faux avant une opération terrestre. Si c’est le cas, il pourrait être dans l’intérêt d’Israël de retarder son opération », estime-t-il. Christian Leuprecht, professeur titulaire en science politique au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s en Ontario, estime aussi que les évènements pourraient inciter Israël à repenser à une invasion de Gaza, où les risques de dommages collatéraux sont « imprévisibles et graves ».

Pourquoi Israël aurait-il ciblé un hôpital ?

« L’objectif pourrait être de cibler les quartiers généraux du Hamas ou du Djihad islamique, qui se cachent dans les sous-sols des hôpitaux pour se servir de la population comme bouclier humain », estime Benjamin Toubol. Il juge toutefois qu’il ne serait pas dans l’intérêt d’Israël de viser une telle cible la veille de l’arrivée du président américain. « Si Israël est effectivement responsable de cette attaque, cela risquerait d’accroître le soutien à la bande de Gaza au sein des pays arabes et de l’opinion publique occidentale », dit-il.

Est-ce que la thèse que ce soit un tir du Hamas ou du Djihad islamique est plausible ?

Oui, estime le professeur Marc Imbeault. « Quand on est dans une situation de guerre, que la tension est très forte, il est arrivé par le passé que des belligérants frappent leur propre population pour essayer d’incriminer l’ennemi. Ils peuvent essayer n’importe quelle tactique, même la plus immorale. » Benjamin Toubol estime toutefois que ce ne serait pas dans l’intérêt du Hamas ou du Djihad islamique de cibler un hôpital sur son propre territoire. « Ce sont en grande majorité des civils et potentiellement des combattants du Hamas ou Djihad islamique blessés. Je vois mal leur intérêt de cibler un bâtiment comme ça », dit-il. Peu importe que ce soit Israël, le Hamas ou le Djihad islamique qui est responsable de l’attaque, il risque des accusations de crimes de guerre, précise toutefois le spécialiste.

Est-ce que l’attaque peut être accidentelle ?

Ce n’est pas exclu, indique le professeur Marc Imbeault. « Les armements modernes sont précis, mais ils ne sont pas infaillibles. Il est arrivé dans les années passées, par exemple pendant la guerre d’Afghanistan, qu’on frappe des troupes alliées. Même dans les conflits contemporains, il arrive que les obus frappent nos propres troupes, et ce sont des accidents. »

Avec Louise Leduc, La Presse