Depuis le séisme du 6 février dans le nord-ouest de la Syrie, les dignitaires de la région se succèdent pour offrir leur soutien, dans ce pays déjà dévasté par plus de 10 ans de conflit. Le président syrien Bachar al-Assad se retrouve à l’avant-scène de ces visites. Une situation décriée par ses opposants, qui craignent une normalisation des relations avec le régime, mis au ban depuis une décennie pour le traitement de sa population.

« Le régime syrien bénéficie de cette situation maintenant, estime Muzna Dureid, analyste et réfugiée syrienne établie à Montréal. Il en profite pour dire que c’est un désastre naturel et que la communauté internationale doit aussi avoir des relations avec lui, parce que c’est le gouvernement syrien. Mais ce n’est pas vrai. »

Le tremblement de terre a frappé le sud de la Turquie – où se trouve une importante population de réfugiés syriens – et le nord-ouest de la Syrie. Le séisme a fait plus de 50 000 morts, dont 6000 en Syrie, principalement dans une zone contrôlée par les rebelles et les djihadistes.

PHOTO FOURNIE PAR SANA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président syrien, Bachar al-Assad, sur le terrain pour constater les dégâts du séisme à Jablé, le 11 février

Quelque 3000 membres des Casques blancs sur place ont participé aux opérations de sauvetage, précise Mme Dureid, agente de développement pour le groupe de défense civile actif dans les zones rebelles.

Mais après plus de 10 ans de bombardements et de combats, la région était déjà à genoux. Les infrastructures sont défaillantes. Le choléra s’est mis de la partie à l’automne.

Quelque 4 millions de Syriens vivent dans la zone rebelle du nord et près de 90 % dépendent de l’aide humanitaire, selon l’Organisation des Nations unies.

« La situation est catastrophique, mais maintenant c’est pire, précise Mme Dureid. Les défis sont toujours le manque d’équipement, le manque d’aide internationale. »

Main tendue

Devant l’ampleur des besoins, de nombreux pays et organismes ont tendu la main. Le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri, s’est rendu à Damas lundi, première visite en Syrie d’un ministre des Affaires étrangères du Caire en plus de 10 ans.

  • Le président syrien Bachar al-Assad et le ministre des Affaires étrangères d’Égypte, Sameh Choukri, à Damas, le 27 février

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    Le président syrien Bachar al-Assad et le ministre des Affaires étrangères d’Égypte, Sameh Choukri, à Damas, le 27 février

  • Bachar al-Assad accueillant une délégation du Parlement arabe, à Damas, le 26 février

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    Bachar al-Assad accueillant une délégation du Parlement arabe, à Damas, le 26 février

  • Le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdallah ben Zayed al-Nahyane, et Bachar al-Assad, à Damas, le 12 février

    PHOTO FOURNIE PAR SANA, ASSOCIATED PRESS

    Le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdallah ben Zayed al-Nahyane, et Bachar al-Assad, à Damas, le 12 février

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Une délégation de politiciens de divers pays arabes a été accueillie dimanche par Bachar al-Assad dans la capitale, confirmant l’hypothèse d’un « dégel » dans les relations de certains pays de la région avec le régime isolé diplomatiquement depuis sa violente répression des soulèvements populaires de 2011, qui s’est rapidement muée en guerre civile.

La Syrie reste divisée entre les zones contrôlées par le régime de Bachar al-Assad, majoritaires, et les autres régions, contrôlées par les combattants rebelles, les militants islamistes ou les forces kurdes.

Le président syrien a été décrié sur la scène internationale pour ses actions dans le pays contre son peuple.

Influence iranienne

« La normalisation régionale est en cours depuis un moment, note Dareen Khalifa, analyste senior à l’International Crisis Group. En ce qui concerne les pays arabes, il y a une sorte de division dans les positions sur la normalisation. Il y a des pays, comme les Émirats arabes unis, qui sont allés de l’avant avec la normalisation ou la restauration de la relation de façon inconditionnelle. »

Une façon, pour eux, de tenter de contrer l’importante influence iranienne en Syrie, explique-t-elle. « Mais ça ne s’est pas concrétisé et c’est improbable que ça ait cette conséquence », ajoute-t-elle.

La normalisation est très limitée à des visites et des gestes politiques et diplomatiques. Ça ne s’est pas manifesté par une entrée d’argent pour la reconstruction du pays, comme certains le pensaient.

Dareen Khalifa, analyste senior à l’International Crisis Group

Les sanctions occidentales jouent un rôle dans cette retenue des gouvernements qui s’affichent ouvertement aux côtés de Bachar al-Assad, avance-t-elle.

Le Caesar Act américain, par exemple, décourage les investissements en sanctionnant des entreprises ou des personnes qui soutiendraient Bachar al-Assad.

Situation précaire

Si les opérations de sauvetage sont maintenant terminées, la situation reste précaire dans la région touchée par le séisme, près d’un mois après la première secousse.

Le chef de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’y est rendu cette semaine, devenant le plus haut dirigeant de l’ONU en près de 12 ans à pénétrer dans la zone contrôlée par les opposants du gouvernement syrien. Il est entré par l’un des points de passage liant la zone rebelle directement à la Turquie.

PHOTO OMAR HAJ KADOUR, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus (avec la casquette), rencontre des Syriens déplacés en raison du séisme, près du poste frontalier de Bab al-Hawa séparant la Turquie et la Syrie, mercredi.

Plus de 420 camions transportant du matériel pour venir en aide aux populations ont aussi emprunté ces chemins depuis près d’un mois, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU.

Le nord-ouest de la Syrie comptait déjà un lot important de personnes déplacées par le conflit. Le séisme force maintenant une partie de la population à se reloger. « Il faut faire des évaluations pour les bâtiments, les civils ne peuvent pas rentrer tant qu’ils ne savent pas s’il y a des risques que ça s’écroule », explique Mme Dureid.

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 5,4 millions
    Nombre de personnes touchées par le séisme du 6 février, dont 2,6 millions d’enfants
    Source : Unicef