Le journaliste irakien Mountazer al-Zaïdi, emprisonné pour avoir lancé ses chaussures à la tête de l'ex-président américain George W. Bush, a recouvré la liberté mardi mais accusé ses geôliers de graves tortures et de simulations de noyade.

Condamné à un an de prison en appel, Mountazer al-Zaïdi, considéré comme un héros par beaucoup dans le monde arabe mais critiqué par d'autres en Irak pour son geste, a été libéré au bout de neuf mois pour bonne conduite.

Son frère, Oudaï, a affirmé dans la soirée que le journaliste avait été emmené dans «un endroit tenu secret car nous avons peur pour sa vie. Demain ou après-demain», il devrait quitter l'Irak pour la Grèce pour recevoir des soins.

Selon sa famille, il est sujet à de fréquents maux de tête qui seraient dus «à des produits chimiques inconnus» injectés pendant sa détention.

Dans une conférence de presse organisée après sa libération dans les locaux de la télévision Al-Baghdadia qui l'employait fin 2008, Mountazer al-Zaïdi a accusé ses geôliers d'avoir simulé des noyades, une technique employée par la CIA américaine sur des suspects après les attentats du 11-Septembre.

Il a aussi réclamé des excuses du premier ministre irakien Nouri al-Maliki «pour avoir caché la vérité».

«Au moment où le premier ministre Maliki affirmait sur les chaînes de télévision qu'il ne dormirait pas tant qu'il ne serait pas rassuré sur mon sort, j'étais torturé de la pire des manières, avec des chocs électriques, frappé à coups de câbles électriques et de barres de fer», a-t-il affirmé.

Le journaliste a justifié le lancer de chaussures sur M. Bush en affirmant qu'il avait voulu «venger» les victimes de la guerre en Irak mais s'est défendu d'être «un héros».

«L'opportunité s'est présentée et je ne l'ai pas ratée. Ce que je voulais faire en jetant mes chaussures au visage du criminel Bush (c'est) exprimer mon rejet de ses mensonges et de l'occupation de mon pays», a-t-il poursuivi, estimant que l'Irak était toujours «captif» des Américains.

Sans écarter totalement qu'il reprendrait son ancien travail de journaliste à Al-Baghdadia, il a affirmé qu'il souhaitait aider les veuves et les orphelins, victimes de la guerre en Irak.

Hazem Al-Araji, un des chefs du mouvement anti-occupation de Moqtada al-Sadr, a loué «le journaliste héros, dont l'acte a représenté la souffrance des enfants et des veuves irakiens».

Le 14 décembre 2008, en pleine conférence de presse à Bagdad de M. Bush qui effectuait sa dernière visite en Irak, Mountazer al-Zaïdi avait lancé ses chaussures, pointure 43, à la tête du président qui les avaient évitées de justesse, en criant: «C'est le baiser d'adieu, espèce de chien».

Condamné en première instance à trois ans de prison pour «agression contre un chef d'État en visite officielle», sa peine avait été réduite en appel à un an.

Depuis son geste, diffusé par les télévisions du monde entier, Mountazer al-Zaïdi est célébré dans les pays arabes et au-delà comme un héros qui s'est opposé aux États-Unis, et de nombreuses manifestations ont été organisées de Rabat au Caire en passant par Gaza et Londres lors de son jugement.

Mais certains Irakiens n'ont pas apprécié son geste, l'estimant contraire aux traditions d'accueil du pays. Dans la culture arabe, jeter ses chaussures à la tête de quelqu'un et le traiter de «chien» est considéré comme une insulte grave.

Lors de la chute du régime de Saddam Hussein en 2003 dans la foulée de l'invasion américaine, les manifestants avaient également exprimé leur colère et mépris en frappant la statue du dictateur avec leurs chaussures.

Une libération attendue

À l'annonce de la nouvelle de sa libération, les soeurs du journaliste, présentes dans son petit appartement de deux pièces dans le centre de Bagdad, ont lancé des youyous de joie, et se sont mises à danser et taper dans leurs mains, selon un journaliste de l'AFP présent.

Son avocat s'est félicité de la libération et a rendu hommage à l'indépendance de la justice irakienne. «Cette décision prouve que la justice est honnête, indépendante et qu'elle n'est soumise à aucune pression intérieure ou extérieure», a précisé Dia al-Saadi.

Mountazer al-Zaïdi devait être libéré lundi, selon sa famille, mais l'élargissement avait été reporté pour des raisons administratives.

Photo AP

Le désormais célèbre lancer du soulier du journaliste irakien.