(Kharkiv) L’Ukraine a subi vendredi des frappes nocturnes massives qui ont fait au moins cinq morts et entraîné des coupures d’électricité d’ampleur, Volodymyr Zelensky dénonçant le manque de « volonté politique » en Occident pour aider Kyiv.  

Ce qu’il faut savoir

  • Des frappes russes nocturnes ont tué au moins cinq personnes et en ont blessé au moins trente : 60 Shahed (un drone explosif) et presque 90 missiles de différents types ont été lancés ;
  • Les attaques ont visé des infrastructures énergétiques, ce qui a entraîné des coupures d’électricité dans au moins sept régions et endommagé des dizaines d’installations ;
  • Le porte-parole du Kremlin a affirmé que la Russie est « en état de guerre ».

« La terreur russe n’est possible aujourd’hui que parce que nous n’avons pas assez de systèmes de défense aérienne modernes, ou, pour être honnête, pas assez de volonté politique pour les fournir », a lancé le président Zelensky dans son adresse quotidienne dans la soirée.

« Tous les partenaires savent ce qui est nécessaire et qui peut prendre les décisions qui sauvent vraiment des vies », a-t-il poursuivi alors que l’aide américaine est bloquée depuis des mois à cause de rivalités politiques entre républicains et démocrates au Congrès et celle de l’Union européenne a pris un important retard.

Ces attaques ont en particulier visé le réseau énergétique ukrainien, laissant au total 1,5 million de personnes sans électricité, selon l’ONU. Le ministère ukrainien de l’Énergie avait indiqué avoir restauré le courant pour plus d’un million de consommateurs.

La situation est la plus difficile à Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine qui comptait avant-guerre près d’un million et demi d’habitants, avec des coupures massives d’électricité et de chauffage à la suite de cette attaque, la « plus puissante » contre cette cité en deux ans d’invasion russe, selon son maire.

La nuit tombée, Kharkiv a été plongée dans le noir, selon une équipe de l’AFP sur place.  

PHOTO VALENTIN RAKOVSKY, AFP

Carte des zones contrôlées par les forces ukrainiennes et russes en Ukraine au 21 mars 2024

« Nous n’avons plus rien »

L’éclairage public dans les rues est éteint, aucune lumière n’apparaît aux fenêtres des immeubles, la chaussée est seulement par moment éclairée par les phares des voitures. Sur les trottoirs, des passants marchent en s’éclairant avec la lampe de leur téléphone portable.

Des camions de pompier sillonnent les rues pour annoncer une alerte aérienne en cours, les sirènes habituelles ne pouvant plus fonctionner faute d’électricité. Fonctionnant avec des générateurs, quelques restaurants et bars et des pharmacies sont cependant ouverts.

PHOTO ANDRIY ANDRIYENKO, ASSOCIATED PRESS

Au moins cinq personnes ont été tuées et une trentaine d’autres blessées, selon les autorités, notamment dans les régions de Zaporijjia (sud) et de Khmelnytsky (ouest).

« Nous n’avons plus rien maintenant. Pas d’eau, pas de chauffage, pas d’électricité. Rien de rien », explique Nastia Volochyna, une étudiante de 19 ans, en riant nerveusement.

« Ce matin, c’était vraiment un effondrement. Il n’y avait pas de réseau, impossible de commander un taxi. Horrible », ajoute Svitlana Onnikova, une pharmacienne de 25 ans.  

L’armée russe a assuré avoir agi en représailles aux récentes opérations militaires de Kyiv contre les régions situées à la frontière avec l’Ukraine, qui étaient elles-mêmes des réponses aux bombardements quotidiens des villes ukrainiennes.

Au moins cinq personnes ont été tuées et une trentaine d’autres blessées, selon les autorités, notamment dans les régions de Zaporijjia (sud) et de Khmelnytsky (ouest).

À Moscou, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a admis pour la première fois publiquement que la Russie se trouvait « en état de guerre ».

Depuis le début de l’invasion, en février 2022, le Kremlin a réprimé à coups d’amendes et de peines de prison l’utilisation du mot « guerre » pour imposer l’euphémisme d’« opération militaire spéciale ».

60 drones et 90 missiles

Les forces russes ont lancé dans la nuit sur l’Ukraine plus de 60 drones explosifs Shahed et presque 90 missiles de différents types, a énuméré le président ukrainien Volodymyr Zelensky.  

Ces frappes de grande ampleur ont entraîné des coupures d’électricité dans au moins sept régions ukrainiennes et endommagé des « dizaines » d’installations, a relevé l’opérateur ukrainien Ukrenergo.

Un rappel de l’hiver précédent quand la Russie avait mené une campagne de bombardements contre des infrastructures énergétiques ukrainiennes plongeant des millions de civils dans le noir et le froid.

Huit missiles russes ont notamment touché la plus grande centrale hydroélectrique d’Ukraine, DniproHES, située sur le Dniepr, le vaste fleuve qui traverse l’Ukraine du nord au sud, provoquant des dégâts « très importants » mais sans risque de rupture du barrage dans l’immédiat, selon le parquet ukrainien.

PHOTO BUREAU DU PROCUREUR GÉNÉRAL D’UKRAINE, FOURNIE PAR REUTERS

La centrale hydroélectrique de Dnipro touchée par une frappe de missile russe

L’armée russe a affirmé avoir atteint « des infrastructures énergétiques et militaro-industrielles, des nœuds ferroviaires, des arsenaux », en réplique aux récents bombardements ukrainiens sur le territoire russe.

La Russie avait déjà déclenché jeudi à l’aube une attaque massive contre Kyiv, la première depuis début février contre la capitale.

Le commandant des forces terrestres ukrainiennes a par ailleurs jugé vendredi « possible » une offensive estivale russe qui impliquerait 100 000 hommes.

L’armée russe a revendiqué ces derniers mois la conquête de villages face à des soldats ukrainiens en manque de munitions mais le front est largement gelé depuis plus d’un an, aucun camp ne réussissant de véritable percée.

L’Ukraine juge « possible » une offensive estivale russe impliquant 100 000 hommes

Le commandant des forces terrestres ukrainiennes a jugé vendredi « possible » une offensive estivale russe impliquant 100 000 hommes, tout en estimant qu’il s’agissait de la « prévision la plus sombre » et que ce contingent pouvait également être destiné à compenser les pertes humaines.

L’armée russe a revendiqué ces derniers mois la conquête de villages face à des soldats ukrainiens en manque de munitions, mais le front est largement gelé depuis plus d’un an, aucun camp ne réussissant de véritable percée.

Les forces russes « sont en train de créer un groupe de plus de 100 000 personnes », a déclaré le général Oleksandre Pavliouk à la télévision nationale ukrainienne.

« Il ne s’agira pas nécessairement d’une offensive. Peut-être l’utiliseront-ils pour reconstituer leurs unités qui perdent leurs capacités de combat », a-t-il ajouté.

« Mais il est possible qu’au début de l’été, ils disposent de forces pour mener des opérations offensives sur une des directions », a-t-il dit, notant que ce scénario représentait « la prévision la plus sombre ».

« Nous ne connaissons pas les plans de la Russie dans leur entièreté. Nous ne connaissons que les données dont ils disposent et ce qu’ils sont en train de créer », a-t-il dit.

Oleksandre Pavliouk a souligné que les troupes de Moscou avaient encore aujourd’hui l’initiative.

« La Russie ne peut pas se permettre de perdre l’avantage sur le champ de bataille, et seul un ralentissement de leurs actions nous permettra de prendre l’initiative », a-t-il dit.

La grande contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 s’était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l’armée ukrainienne sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.